Ah ouich ! Quel voyage ! On a connu l'enfer ! commença Fredy.
Notre long-courrier, La Pinailleuse, avait suivi un parallèle bien au-delà de l’équateur en direction d’un point cardinal peu catholique et de l’étoile d’un ami au beau-frère du berger.
L’équipage de La Pinailleuse n'était composé que de pirates qui avaient tout à oublier, même l'avenir. Il ne leur restait à conquérir que la liberté et ce putain de trésor que nous cherchions depuis bientôt deux ans. L’ambiance n’était pas très conviviale. Le pire d’entre eux était le cuistot. Une teigne à forme humaine qui pratiquait la politique de la pomme de terre brûlée. Quant au capitaine, il possédait certainement une dose de péché originel bien supérieure à la moyenne. Nous l'avions surnommé « CEPAROU ».
Fredy arrêta son récit et s'abîma dans la contemplation des volutes bleuâtres de sa pipe qui faisaient penser à des têtes de mort.
Lorsqu'il sentit l'atmosphère sur le point d'exploser, il fit semblant de réfléchir et lâcha enfin : comment vous décrire « CEPAROU » sans vous faire peur ?
Il mesurait près de deux mètres, n’avait qu’un œil et qu’une jambe, et même sa jambe de bois avait des varices. Il s’en servait pour frapper les p’tits mousses auxquels il menaçait d’arracher la tête pour la leur faire avaler.
Après plusieurs changements de direction et avoir essuyé la tempête du siècle dans la mer de Tantale, nous jetâmes l’ancre dans une vaste baie très poissonneuse que nous baptisâmes la baie Thonnière.
Les hommes les moins malades partirent avec le capitaine à la recherche du trésor à partager. Nous étions lourdement chargés de pelles, de pioches et d’emballages divers. J’avais choisi de porter la boussole.
Nous pensions toucher au but lorsque nous tombâmes sur un panneau indicateur. Après des mois d’errance et d’abêtissement, ces imbéciles ignares applaudirent tous de joie et se tournèrent vers moi qui étais le seul à savoir lire.
C’est par où ? C’est par où ? Alors, Fredy, c’est par où ? ne cessait de répéter « CEPAROU » en me regardant de son œil chalumeau.
Les indications étaient écrites dans une langue dont j’ignorais jusqu’à l’existence, mais le capitaine, qui était sur le point de cracher son âme au diable et soignait son mal par de longues rasades de rhum frelaté, avait l’humeur chagrine.
J’avais envie d’aller aux cabinets, mais il fallait rester positif et ne pas tergiverser. J’affirmai que c’était tout droit sur un ton de certitude granitique légèrement teintée de péremptoirité.
C’est ainsi que, peu après, nous tombâmes dans un guet-apens tendu par des snipers à la fléchette empoisonnée. D’horribles sauvages anthropophages.
Je fus le seul à pouvoir m’échapper de la marmite.
Les mots à placer :
Les petits cahiers d’Emilie sur le thème de la latitude : CHANGEMENT, VOYAGE, ÉTOILE, MESURER, ÉQUATEUR, POSITIF, VASTE, PARALLÈLE, LIBERTÉ, TRÉSOR, CARDINAL, COURRIER et CONQUÉRIR.
Collecte n°46 d’Olivia : TERGIVERSER, TANTALE, ABÊTISSEMENT, PINAILLEUSE, PARTAGER, CONVIVIAL, CABINET, EMBALLAGE et SNIPER.
16 commentaires:
ah heureusement, sinon qui nous aurait conté l'histoire ;-)
C'est bon d'être le seul a y échapper, car on est l'unique à maîtriser l'histoire ;-) et elle est fameuse ! j'admire Oncle Dan, j'aime bien ce mélange de récoltes
Ho j'aime beaucoup
C'est comme une légende des marins..
J'adore"" Meme sa jambe de bousavait des varices !!!""
Oui, Adrienne, c'est mieux avec un conteur vivant :-D
Merci pour vos commentaires !
Mais qu'est-ce qu'il y avait dans cette marmite ? :D
Une superbe histoire de corsaires déjantés qui auront su sortir sans dommage de cette baie Thonnière !
Peut-être suffisait-il de prononcer le mot magique "CÉPAROU" ? Et la sortie devenait visible ! Ouf !
oublier l'avenir, quelle belle idée.
en revanche,je déconseille les fléchettes empoisonnées, ça doit donner un gout funeste au repas...
Excellent récit (et oui,seul celui qui revient raconte : libre à lui de dire ce qu'il veut)
@mariejo : Que peut-il y avoir dans la marmite d'anthropophages, à part les légumes, bien sûr ? ;-)
@carnetsparesseux : C'est pratique, en effet ! :)
Excellent encore une fois
Avec de nombreuses perles!
:)
Ah, la fameuse baie Thonnière ! Je ne comprends pas pourquoi elle ne figure pas dans les agences de voyages !!! 😂
Un conte qui se lit avec facilité, qui nous emmène très loin, près de créatures pas toutes sympathiques
j'adore ton humour décalé... Au fait pas trop fatigué par le fardeau de la boussole... Bon tu sera là pour les prochaines plumes heureusement. avec le sourire
@Emilie : Merci pour les perles,
@Lydia : Uniquement dans le guide du routard :-)
@guillemette : je dirais même plus, pas toutes du tout ! ;-)
@Lilousoleil : J'économise mes forces pour la semaine prochaine... :-)
Belle narration piquetée d'humour, ça vaut son pesant d'or. Faut pas chercher bien loin le trésor ! :)
Hahaha, les varices à la jambe de bois !
Tout bon.
Bon jour Dan,
Je retiens : "...d’un point cardinal peu catholique ..." ce morceau ne s'est pas fait prié pour être écrit :)
En tout cas, de l'humour déjanté qui tient la voile sur le bon cap ... et le survivant n'est pas de langue de bois ...
Max-Louis
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