dimanche, juillet 02, 2006

A l'ombre du figuier

40ème contribution à Coïtus Impromptus

Le thème : A l'ombre du figuier


- Oncle Dan, raconte-moi une histoire.
- Petit Pierre, oncle Dan n’est pas venu à l’ombre du figuier pour raconter des histoires mais pour se reposer.
- Alleeeez, oncle Dan, raconte-moi une histoire.

- Il y a très, très, très longtemps, les sages avaient pour habitude de se rencontrer à l’ombre de ce figuier pour philosopher, refaire le monde et jouer aux devinettes. Un jour, l’un d’eux, du nom de Nasreddin, demanda :
- Qu’est ce qui est vert, posé sur la branche du figuier et qui peut parler ?
- Un perroquet répondit son ami Srulek.
- Non, ce n’est pas un perroquet.
- Mais quoi alors ?
- Un poisson.
- Un poisson vert sur un figuier, ça n’existe pas.
- Mais si, quelqu’un l’avait peint en vert.
- Admettons, mais un poisson ne grimpe pas aux arbres.
- Quelqu’un l’avait placé sur la branche.
- Et un poisson ne parle pas. Avoue que c’est d’un perroquet que tu voulais parler.
- Espèce d’idiot, c’est impossible, s’il s’agissait d’un perroquet, je n’en aurais jamais fait une devinette.

Srulek était légèrement agacé bien que sa condition de philosophe le lui interdise

- Et Môôssieur Nasreddin sait peut-être pourquoi il raconte ces inepties à l’ombre du figuier.

- Bien sûr, Srulek, bien sûr, pour répondre à la consigne de Coïtus Impromptus.

Srulek jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus…

L'unique ascenseur est en panne

8ème contribution à Paroles plurielles

La consigne : Commencer obligatoirement par "L'unique ascenseur de l'immeuble est momentanément hors d'usage"

L'unique ascenseur de l'immeuble est momentanément hors d'usage. Une fois de plus !

J’en suis dépité car mes amis habitent au dernier étage d’une tour décagonale, décatie décadente. En montant les escaliers en colimaçon, j’ai tout le temps de penser au fumet qui m’attend là-haut, tapi derrière la porte.

Seul un sportif de très haut niveau (au meilleur de sa forme) est en mesure d’arriver sur leur palier avant la fin de la minuterie. Pour ma part (et Dieu sait si je suis au meilleur de ma forme), j’ai toujours fait l’ascension du dernier étage dans l’obscurité la plus complète.

Vos yeux en chômage technique désespèrent de trouver le moindre petit interrupteur lumineux et salvateur. Point de salut dans ces escaliers dont les ténèbres ont quelque chose de démoniaque et définitif. Les marches se dérobent, et les commutateurs se cachent avec malice. Tout s’ingénie à ralentir votre progression.

Lorsque vous piétinez les premières baskets qui garnissent l’entrée, vous reprenez espoir, mais vous n’êtes pas encore arrivé. C’est qu’il y a autant de chaussures devant leur porte que devant une mosquée. On y rencontre en effet les baskets d’Hassan, mais aussi celles de Yamina, de Foued, de Rachid et de Sana. Ils en ont plusieurs paires chacun, et doivent assurément en changer de nombreuses fois, selon la nature de leurs occupations et le moment de la journée. Leur consommation annuelle dépasse largement mes besoins personnels depuis le jour de ma naissance et jusqu’à la fin du prochain millénaire.

Avant mon arrivée, je présume que toutes ces chaussures sont à peu près rangées, classées et répertoriées, mais lorsque j’ai enfin trouvé le bouton de la sonnette, après avoir tâté les murs, sondé les plinthes et exploré les chambranles, j’imagine qu’il leur faudra certainement réunir un Conseil de famille avant de pouvoir se chausser le lendemain matin.

Alors s’ouvre la porte. Et l’odeur qui était derrière la porte et qui vous attendait, vous accueille. C’est une odeur à nulle autre pareille. Un concentré marocain où se mêlent l’encens, le thé à la menthe, les épices, le souk, le cuir de chameau, la transpiration, le vieux tapis, le tout lié par un léger parfum de babouche défraîchie et de gazelle en chaleur. C’est prenant, inoubliable, maison. Cette odeur n’appartient qu’à eux. Elle n’est pas encore commercialisée et le secret de fabrication en est jalousement gardé (Un brevet a certainement été déposé). Ces gens n’ouvrent jamais leurs fenêtres de peur d’en perdre un soupçon. Chaque parcelle de l’appartement en est violemment et définitivement imprégnée.
L’être humain étant capable de s’habituer à sa propre mort, parvient à s'accommoder de cette odeur.

Naturellement, cela prend un plus de temps quand on est vivant.