samedi, mars 24, 2007

L'enquête

La consigne : Vous écrivez un texte dont l'incipit sera: "Alfred Jarry est mort." Le texte sera écrit en trois épisodes pour former une nouvelle...


-- Alfred Jarry est mort.

Elle déboutonna ses paupières et fit don au commissaire de deux beaux yeux gris clairs enveloppés de cils noirs qui trahissaient son indifférence totale à cette tragédie.

-- Si vous voulez bien me suivre, dit-elle d’une voix sirénéenne.

Elle n’était pas jolie-jolie, si vous voulez, mais tout simplement irrésistible pour ceux qui aiment ce genre là. Elle disposait en particulier d’une paire de seins suffisamment gros pour faire de l’ombre à ses pieds.

Il est des invitations auxquelles il n’avait jamais pu résister, et il emboîta le pas de la soubrette qui lui exposait à présent la face nord de son anatomie

Distrait par les ondulations de la croupe généreuse qui le précédait, il prêta peu d’attention aux salons richement décorés qu’il fallut traverser pour atteindre la piscine, de l’autre côté de la villa. C’est là que le rêve prit fin et qu’il fit connaissance avec Alfred.

Il était là, baignant dans son sang, sans avoir seulement pris la peine d’ôter ses vêtements, et regardait fixement le commissaire avec une insistance malsaine. Son regard fixe semblait dire : « Il me semble vous avoir déjà vu quelque part, mais je ne saurais dire où exactement ».

-- Vous avez fait très vite, commissaire, dit une femme à genoux au bord de la piscine, puis se ravisant,

-- Mais vous n’êtes pas le commissaire !

-- Absolument, chère madame, Commissaire Delfeuille, pour vous servir. Monsieur Jarry a téléphoné ce matin à neuf heures. Il craignait pour sa vie. J’ai fait au plus vite.

(à suivre)

Le conte du renard bleu

On aurait pu croire que la petite dormait paisiblement mais sa tête faisait un angle mortel avec le reste de son corps.

Elle portait une robe de mariée.Ses pieds disparaissaient au fonds de chaussures à talons aiguille et le renard bleu autour de son cou était plus grand qu’elle.

Eglantine, rieuse et curieuse, adorait se déguiser avec les vêtements trouvés au grenier.

-- Je vous le jure, commissaire, gémit la gouvernante. J’ai trouvé la petite exactement dans cette position, à côté de ce coffret que je n’avais jamais vu auparavant.

-- Que me contez-vous là ? Bougonna le commissaire.Il ruisselait de transpiration sans que l’on sache s’il devait son état à l’océan de perplexité dans lequel il était plongé ou à la chaleur suffocante des combles.

-- Dépêchons-nous, je vais être en retard. Je dois me rendre chez Monsieur Alfred Jarry.

Le coffret avait été ouvert au moyen d’une petite clé en or. Sans doute par l’enfant.

Il ne contenait qu’un billet crasseux sur lequel était écrit à la plume d’oie dans une encre délavée par le temps « Malheur à qui libérera la rivière ».

Personne n’a jamais résolu cette énigme.

Le médecin légiste qui réalisa l’autopsie disparut du jour au lendemain.

Peut-être à cause de la rivière de diamants qui coula de la main d’Eglantine lorsqu’il ouvrit son petit poing serré.

Mais il est le seul à le savoir…

La suite de l'histoire

18ème contribution à Paroles plurielles


La consigne 42 : Vous écrivez un texte dont l'incipit sera: "Il faut que je vous dise... j'ai menti !"
C'est la suite de cette histoire


Il faut que je vous dise... j'ai menti !

En fait, je n’ai pas inventé la machine à remonter le temps. Vous comprenez, il fallait bien trouver une idée. La consigne disait qu’il « devait » se passer quelque chose de secret dans la maison aux volets bleus. Quelque chose que personne ne savait. J’ai paniqué.

Et vous n’avez rien trouvé de mieux que de m’écrire une lettre disant que vous aviez une machine à remonter le temps dans votre salle de bains ? dit Monsieur Wells dont la déception se lisait sur le visage.

Ça, répondit le géant, c’est parce que quelques temps auparavant, j’ai poursuivi un gosse qui avait noyé une souris dans ma chope de bière. Il s’est enfermé une heure dans la salle de bains. C’est vrai, je choisis toujours la solution la plus compliquée.

L’écoutez pas, Monsieur Wells, crachouilla la baleine entre deux bananes. C’est lui, le gosse, renchérit-elle, en chassant de ses protubérances mamillaires quelques improbables miettes de croissant. S’rait capable de me noyer dans l’étang, rien que pour se rendre intéressant sur les blogs d’écritures !

La perte serait moins grosse que toi ! Hurla le colosse dans un bruyant éclat de rire qui accentua davantage son rictus d’apocalypse.

Quant à moi, il se peut qu’un jour, je puisse rire à nouveau quand je serai loin de cette maison de terreur, dit Wells d’une voix froide et sèche comme un œuf de pique-nique, mais il y a peu de chance que ce soit dans un proche avenir.


mercredi, mars 14, 2007

L'invention

17ème contribution à Paroles plurielles

La consigne 41 : Une jolie maison aux volets bleus, dans une rue tranquille, dans un quartier tranquille, quelque part où il fait bon vivre...Pourtant dans cette maison se passe quelque chose de "secret", que personne ne sait... Racontez... Avec comme incipit: "Ça fait huit jours exactement que... "



Ça fait huit jours exactement que Monsieur Wells est arrivé dans ce petit village d’apparence calme et paisible, avec une incroyable lettre dans la poche.

Huit jours que les habitants lui racontent les histoires les plus invraisemblables, peuplées de monstres et de phénomènes paranormaux sur la petite maison aux volets bleus. Il se passait des choses vraiment bizarres.

Chez lui, la curiosité l’emportait toujours. La seule maison avec une cible, disait le billet. Il ne pouvait pas la manquer !

Après tout ce qu’il avait entendu, sa tranquille assurance se coupait d’un fort doigt d’inquiétude en appuyant sur la sonnette de la maison aux volets bleus.

Ce ne fut pas un doigt, mais quelques uns, lorsqu’il entendit s’approcher un pas pachydermique derrière la porte qui s’ouvrit sur cent cinquante kilos de muscles briseurs de bascules publiques et d’intrus envahissants. Le colosse avait une grosse tête chauve et pâle, défigurée par un affreux rictus. Une tête à manger du verre pilé et à tuer les rats avec les dents.

Ses craintes s’amplifièrent à la vue de l’être étrange qui surgit derrière le gorille, et qui avait dû revêtir, dans un passé lointain, l'apparence d'une femme.

Elle bouscula l’énorme et lança les vagues de son triple menton dans la pleine mer de sa poitrine en ouvrant la bouche, mais les mots qu’elle voulut en extraire furent refoulés par la banane qu’elle engouffra dans le même temps avec une surprenante rapidité.

Pouvez-vous m’en dire davantage ? Demanda Monsieur Wells en extirpant la lettre de sa poche.

Le molosse tira l’écrivain à l’intérieur de la maison en explorant de son regard chalumeau les alentours pour s’assurer que nulle oreille ni oeil suspects ne les espionnait.

Suivez-moi. Je vais vous montrer ma machine à remonter le temps, dit-il.

Deux yeux verts me regardaient

52ème contribution à Impromptus littéraires

Le thème : Deux yeux verts me regardaient. Le texte doit commencer par cette phrase et le récit doit être à la première personne du singulier.

Deux yeux verts me regardaient.

Enfin !

Ces yeux étaient ma récompense. Les admirer me procurait déjà un immense bonheur après tant de souffrances et d’espérances. Après un si long chemin semé de mille embûches.

Ils me regardaient fixement au-dessus de l’énigmatique sourire de la déesse bien-aimée. Ils étaient plus beaux que je les avais imaginés dans mes rêves les plus fous.

Je ne pouvais pas encore les toucher. Je ne pouvais pas encore les embrasser, mais je les voyais briller plus que tout l’or du monde. Il ne me restait plus que cinquante mètres à franchir.

Il me fallait éviter le balancement des hachoirs, les jets de fléchettes au curare et la fosse aux scorpions. Il ne fallait pas déclencher l’abaissement de la herse ni l’ouverture du sol ou la chute des blocs de pierre…

Un jeu d’enfants.

Alors, les yeux de la déesse, les deux plus grosses émeraudes existant sur terre, seraient à moi.