mardi, novembre 28, 2006

J'ai fait un rêve

49ème contribution à Impromptus littéraires

Le thème : J'ai fait un rêve (le texte doit comporter 200 mots exactement)

La nuit dernière, j’ai refait le même rêve. Encore et toujours. Je sais bien que l’on ne se souvient pas de ses rêves, mais celui-ci fait exception. Il est éreintant, désespérant et angoissant. Il me fait courir et chercher sans fin, jusqu’au réveil.

Quand je dis que c’est toujours le même rêve, je ne veux parler que de son thème. En revanche, l’action change. Le lieu aussi.

De grâce, si vous savez interpréter les rêves et connaissez la signification de celui-ci, parlez.

Une fois, cela se passait dans un village très pentu, avec des tas de petites ruelles qui se ressemblaient toutes. Une autre fois, l’action se situait dans un garage sous-terrain. Un immense garage, vieux et compliqué, avec de nombreux étages.

La nuit dernière, j’étais à l’étranger. Dans une grande ville pleine de gens pressés et fatigués dont je ne parle pas la langue. A Moscou, peut-être. Il s’agit toujours d’un endroit que je ne connais pas. J’étais dans le tramway et je manquais mon arrêt. Il me fallait faire demi tour à la prochaine correspondance sans savoir exactement où cela allait me conduire.

Je cherche ma voiture, ne sachant plus où je l’ai stationnée.

mercredi, novembre 22, 2006

De l'utilité des secrétaires.

15ème contribution à Paroles plurielles

La consigne 34 : Vous écrivez un texte court ( entre 1200 et 1700 signes, espaces compris) dont la dernière phrase sera: "Désormais c'est son problème, plus le mien"
Du fond du passé arrivent parfois de brusques tempêtes. De funestes secrets que l'on croyait morts et qui émergent des marécages de l’oubli.

Elle était venue me dire que j’avais un sérieux problème. Rendez-vous compte ! Moi, qui n’ai jamais perdu une occasion de rester tranquille !

Je déplore de ne pouvoir rapporter précisément les termes exacts de ma réponse. Ma mémoire est particulièrement réticente et capricieuse actuellement.

Il est regrettable qu’il n’y ait eu personne pour prendre mes propos en sténo, car je n’exagère pas en affirmant que je me surpassai.

Une ou deux fois, au cours de banquets ou ripailles, il m’est arrivé de parler avec une éloquence qui a forcé les applaudissements de l’assistance ébahie, mais je ne crois pas avoir jamais atteint les sommets que j’atteignis alors.

Je me souviens cependant lui avoir précisé que je ne disposais que de mille deux cents à mille sept cents caractères, espaces compris, pour satisfaire à la consigne et qu’elle devrait s’en contenter aussi.

Elle m’a répondu que dans ce cas, les espaces étaient bien les seuls à être compris dans cette déplorable affaire.

Après ça, il n’y avait plus grand chose à dire. Peut-être ai-je dit : « Ah ?» ou quelque chose dans ce genre – je ne sais plus très bien - mais si je l’ai dit, mes commentaires se bornèrent là. Et puis « Ah ?» est pratique. « Ah ? » est un de ces mots auxquels il n’est jamais facile de trouver une réponse.

Je l’ai vue quitter le château par les allées. Elle est repartie comme elle était venue. Sans se retourner et sans faire le moindre signe supplémentaire qui eut été inutile.

Désormais, c’est son problème, plus le mien.

samedi, novembre 18, 2006

La mère Michelle

4 ème contribution à Obsolettres

Le thème : Sur le toit. Le personnage principal se trouve sur le toit de sa maison. Racontez pourquoi il est arrivé là.

Il faisait une chaleur torride. Les ondes rythmiques des cigales – clamant leur allégeance indéfectible au roi soleil – envoûtaient la campagne.

Comme à son habitude, la mère Michelle se rendit avec une lenteur de gastéropode ankylosé jusqu’à la grange où l’attendait une bicyclette qui faisait la convoitise des brocanteurs.

Tous les mercredis, elle se rendait au village pour aider son gamin aux travaux des champs. Le petit allait sur ses soixante quinze ans et peinait à l’exploitation de ses quelques hectares.

Elle enfourcha son vieux vélo rouillé avec d’infinies précautions et à une allure quasi onirique.

Son déplacement sur cette monture grinçante était un véritable défi aux lois de l’équilibre.

Tout serait bien allé, les lois de l’équilibre en ayant déjà vu d’autres, si Joseph ne s’était pas trouvé là.

Joseph était pourtant d’excellente humeur. Il n’avait pas de raison particulière pour cela, mais c’était une bonne nature malgré un visage ingrat, des yeux surplombés de verres épais, des boutons, une haleine horrible, des épaules en carafe, un problème insoluble d'aisselles dégoulinantes, des fesses plates et des oreilles en portes de grange.

L'essentiel de sa capillarité broussailleuse émergeait de ses oreilles et de son nez constamment agacé par les poils de sa moustache grillés par l'éternel mégot de gitane maïs mille fois rallumé.

Il soulageait ces horripilantes démangeaisons en frottant son nez couperosé comme un champignon vénéneux avec le revers de sa main.

Ce geste lui avait valu de nombreux revers, chiens, chats, poulets et autres animaux écrasés par son volumineux camion, mais de mère Michelle, jamais. C’était une première.

Il jura, immobilisa tant bien que mal son véhicule dans un nuage de poussière et vint contempler sa victime.

Il ne trouva qu’un vélo tordu et sans animosité dont seule une roue paraissait encore vivante et couinait faiblement.

Il sursauta et se signa rapidement lorsque tomba du ciel une voix chevrotante dont l’intonation faisait penser au mouton appelant ses petits à l’époque de l’agnelage.

La mère Michelle était sur le toit de sa maison et semblait lui faire signe.

lundi, novembre 06, 2006

Le vendeur de temps

48ème contribution à Impromptus littéraires

Le thème : Le vendeur de temps.

Il était une fois un petit village perché sur les falaises du Temps dont tous les habitants étaient joyeux, aimables et riches, alors que l’on n’entendait monter de la vallée que plaintes et gémissements.

Cette curiosité attirait naturellement les foules et l’on voyait serpenter jusqu’au village de longues colonnes de gens pressés et tourmentés qui se bousculaient pour rentrer et repartaient détendus et souriants.

Tout ces gens étaient passés chez le vendeur de temps, un homme sans âge qui habitait le village depuis la nuit des temps. Le bruit circulait qu’il était horloger mais avait vendu son âme au Diable avant de vendre du temps. Il semblait surfer sans la moindre éclaboussure sur l’invisible torrent des siècles et des jours qui entraîne le commun des mortels dans la tombe.

C’est que le torrent dont il s’agit passait dans sa mystérieuse boutique et il lui était donc facile d’en puiser à sa guise et de le vendre à un prix très raisonnable, puisque ces liquidités placées à quatre pour cent pouvait encore fructifier et faire le bonheur de gens qui en manquaient.

Il y avait très peu de mécontents. Les sales quart d’heure étaient rares mais, bien sûr, il pouvait arriver de rentrer avec un temps pourri ou alors, de perdre son temps au retour.

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où la Martine vint au village et, tombant à genoux, s’exclama « Ô temps, suspends ton vol, respecte ma jeunesse ! » Elle fut exaucée. On se demande encore pourquoi.

Le temps s’arrêta et le Diable vint chercher le soir même l’âme qui lui était due.

Il semble que le temps ait repris son cours dès le lendemain matin.

Moralités : Le temps est un don de Dieu et ne peut être vendu. Méfie-toi des vendeurs de temps, ils ne vendent que du vent.

samedi, novembre 04, 2006

C'est décidé, elle vivra centenaire

14ème contribution à Paroles plurielles

La consigne 33 : Phrase finale : "C'est décidé, elle vivra centenaire".

─ Professeur, nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous à Buenos Aires pour ouvrir cette nouvelle série d’émissions sur le futur. Nous l’avons baptisée Définition d’une frontière entre l’humain et l’androïde.

─ Je vous sais gré de l’honneur que vous me faites. Il y a tant à dire sur les nouvelles perspectives de la programmation prénatale.

─ Professeur, vous nous avez affirmé que désormais, tous les nouveaux-nés seraient identifiés au moyen de puces électroniques sous-cutanées. Nos téléspectateurs s’inquiètent. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

─ Certainement, il s’agit d’un suivi de chaque individu par radiofréquence dont la fiabilité a déjà été prouvée chez nos amis les animaux et dont l’intérêt va bien au delà des impératifs sanitaires et sécuritaires.
J’ajoute que les implants électroniques ou transpondeurs sous-cutanés sont parfaitement indolores, ne risquent pas de casser, de s’abîmer ni de s’estomper, que l’enregistrement des données est instantané et qu’ils ne connaissent pas d’erreur de transcription. Au demeurant, les individus ignoreront l’emplacement de leur détecteur électronique.

─ Mais cela ne présente-t-il pas des risques en termes de traçabilité et d’atteintes potentielles à la vie privée ?

─ Rendez-vous compte, vous disposez là d’une identification électronique qui permet de situer à chaque instant l’individu, de contrôler les passages aux frontières, de lutter contre la fraude et d’assurer une traçabilité alimentaire et sanitaire ! Que demander de plus ?

─ Oui, mais tout de même…

─ Au demeurant, ces puces électroniques peuvent avoir de multiples utilisations pour le suivi de l’état de santé des individus, la gestion de leur traitement, la transmission automatique d’informations sur leur poids, leurs habitudes alimentaires, leur fréquence urinaire, défécatoire, sexuelle… elles comportent un détecteur électronique de coït, de fumée, d’odeurs, de transpiration, d’impulsions nerveuses, de mensonge… et peuvent conditionner leur durée de vie.

─ C’est tout à fait impressionnant, Professeur. A présent, passons, si vous le voulez bien, aux exercices pratiques : quel âge pour le spécimen que l’on aperçoit à l’image ?

─ Vous voulez parler de cet amas de peaux de bêtes haut de trois pieds et demi d’où sortent de petites mains maigres, sèches et noires comme celles d’un singe ?
Le professeur fut secoué d’un rire qui, bien qu’argentin, fit l’effet du grincement d’une craie sur un tableau noir.
Vous remarquerez, continua-t-il, cette petite figure plissée, ratatinée, rugueuse, basanée, pareille à un cuir de botte. Et bien, ce spécimen a été programmé pour cent trente ans.

─ Et, plus loin, la femme au foulard, en haut de cette espèce de tour de Babel ?

─ C’est décidé, elle vivra centenaire.

mercredi, novembre 01, 2006

Les plages de l'automne

47ème contribution à Impromptus littéraires

Le thème : Les plages de l'automne.

Les plages de l’automne ! Laissez-moi pouffer.

Je pouffe.

Ah oui, elles sont belles, les plages de l’automne ! Si j’osais un conseil, ce serait de les éviter. Parlez-moi plutôt d’halloween et des cauchemars qui l’accompagnent.

Chaque fois qu’il m’a pris l’envie de me baigner sur une plage d’automne (comme ils disent), j’ai été accueilli par un vent d’est particulièrement aigre, un tapis de cailloux pointus et quelques kilos de varech.

Quel que soit l’endroit de cette satanée plage où mon pied se posait, il rencontrait un de ces petits cailloux invisibles, spécialement aiguisé à mon intention pour me faire danser la danse de saint Guy.

Puis commence le supplice de l’eau glacée. Oh ! Juste un peu d’eau, vingt centimètres, pas plus, car la mer qui ne connaît pas mes horaires se trouve à trois kilomètres de là. Le froid me pénètre, remonte par l’intérieur des jambes et je me bats la chair de poule pour essayer de chasser la poule.

Je puise dans mes trésors de persévérance pour avancer dans l’eau en écartant le varech rapporté par les vagues.

Je n’en ai pas encore à la ceinture lorsqu’une vague sortie de je ne sais où m’enlève dans un hurlement et m’emporte comme un fétu de paille avec de gros paquets de varech qui se collent sur ma figure.

Je suis transi et j’entame un retour frénétique vers la côte qui me paraît de plus en plus éloignée à mesure que je me débats dans l’eau plus que je ne nage.

Je commence à perdre tout espoir de revoir ma famille. Je regrette de n’avoir pas été meilleur avec les miens et dans les exercices d’écriture imposés par les impromptus littéraires lorsque je parviens enfin à poser un pied sur le fond et me rend compte que je nageais dans moins d’un mètre d’eau.

Je reviens sur le rivage, sporadiquement, au gré des vagues qui me poussent régulièrement.
Après avoir oté tous les petits morceaux d’algue qui me recouvrent, m’être séché et rhabillé, je rentre, crâneur.

C’est qu’il convient de faire croire que rien ne saurait remplacer un bon bain vivifiant sur une plage d’automne.