dimanche, juin 08, 2008

La pièce était calme...

La pièce était calme, trop calme pour engager une conversation ou développer une pensée. Le silence était brûlant et épicé comme un cataplasme à la moutarde.

C’était l’habitude des pièces que le Président Franz-Hubert Fandenschtrüükensheim des spiritueux Fandenschtrüükensheim et Fandenschtrüükensheim venait de quitter.

Ses colères étaient toujours suivies d’une tempête de calme.

Il y avait de l’électricité dans l’air mais cette énergie ne semblait pas suffisante pour permettre à l’un d’entre nous de parler.

Moi-même, à part un ou deux ricanements affectés, je n’avais pas émis un seul son. Ah ! Si j’avais pu trouver quelque chose à dire, ils m’auraient entendu.

Et le responsable des ressources humaines qui restait planté là, comme un bénédictin aphasique ayant fait vœux de silence !

Il n’est pas facile d’enchainer derrière « Merde alors ! » et une porte qui claque. Personnellement, je ne trouvais rien de consistant malgré une intense réflexion. Peut-être une idée me serait-elle venue si j’avais pu faire quelques pas dans le corridor ou tourner autour de la table, la tête plongée dans les mains, mais les circonstances ne s’y prêtaient pas.

Toute cette gêne et ce mutisme risquaient fort, si l’on n’y prenait garde, de se transformer bientôt en chiendefaïencerie.

Alors, je fis « heu » pour débloquer la situation, mais le responsable des ventes fit également « heu » au même moment. Nos deux « heu » se heurtèrent avec un bruit sec avant de se briser par terre, et ce qui aurait pu être le début d’une phrase, s’évanouit dans l’atmosphère.

C’est alors que Georges, le Directeur financier, prit le verre de dégustation, l’assécha, et après avoir montré tous les signes d’un homme frappé par un éclair, dit « Aaaah ! ».

Celui qui n’était l’instant d’avant qu’une larve gluante d’excuses et transpirant par tous les pores était devenu une force de la nature et ressemblait à un gorille qui aurait eu un ulcère à l’estomac, si les gorilles ayant un ulcère à l’estomac sont bien ce que je pense.

Fandenschtrüükensheim avait raison : La commercialisation de cette liqueur aurait pu couler la société.