mardi, février 21, 2023

La caravane rose

 


Lily lit dans sa caravane rose. C’est là qu’elle habite. Lily, ce n’est pas son vrai nom. Son vrai nom est Cathy, mais comme elle lit toujours entre deux clients, ceux-ci l’ont surnommée Lily.


Elle a sur la poitrine un atout en forme de décolleté et sa silhouette est si pleine de rotondités et courbes diverses que, rien qu'à la caresser de la main, on a l'impression d'être dans le grand huit. Elle avait déjà provoqué tant de bouchons dans la rue qu’elle s’était résolue à travailler dans sa caravane. 


Les connaisseurs déjà riches d’expériences juraient qu’elle était la meilleure pute de la région et la seule vraie concurrente des prostituées itinérantes. Il y en a qui disaient qu’elle avait suivi les cours d’éducation sexuelle du docteur K. Pote. Elle connaissait la position du lapin frétillant dans la tanière de velours, le secret de la toile d’araignée capturant le ver à soie, le baiser foudroyant de la Licorne, l’ascension du pic des Dieux et bien d’autres encore. Elle pratiquait même la position du Hanneton soulevant une Citrouille, une variante plus téméraire du fameux Gecko accroché à la Poutre. Autant de raisons qui faisaient que la file d’attente de ses clients s’allongeait à perte de vulve. Il n’était pas rare que la petite caravane rose se remplisse d’âcres relents de chairs suantes et nues où se fondait l’odeur grasse de ses fards.


Elle ne manquait pas de bon sens et de logique. Elle disait qu’elle aurait dû écouter sa mère, et quand on lui demandait ce que disait sa mère, elle répondait qu’elle n’en savait rien puisqu’elle n’avait pas écouté. Lily, c’était une sorte de « Fiancée du Pirate », une « Belle Marianne ». Dans son diable de commerce, ou si vous préférez, dans son commerce du diable, elle était généreuse avec les pauvres et rapace avec les riches.


Encore, si elle s’était contentée d’accueillir les pauvre comme Job, bien entendu avant l’invention de son papier à cigarette, et même les pauvres épaves humaines qui ont déjà un pied dans la tombe et l’autre pas bien loin, mais son tort était de recevoir des âmes sacrilèges, des chairs brûlées de concupiscences monstrueuses, sans remords, sans hésitation, des boucs immondes, des forniqueurs, des chattemites obsédées de préoccupations obscènes, et même parfois, des prêtres qui rêvaient d’une vie de jouissances grossières.


Il n’y avait pas de chiens pour aboyer devant la caravane de Lily. Une nuit d’orage, sans y être invité, Barthélémy-Bartholomé, dit Gros Babar, força la porte de la petite caravane rose. C’était un bûcheron sanguinaire de près de deux mètres qui ne se séparait jamais de sa hache (Un personnage de triste mémoire que l’on a déjà rencontré sur le forum de Zodiac Stories il y a près de trois ans !)


Alors que la petite Lily s’était déjà empalée sur lui et soutirait tout ce qui en faisait un homme, il la coupa en deux, juste pour le plaisir.


Notre seule consolation est qu’on ne l’appellera jamais Cathy, la catin décatie du quartier.