dimanche, juin 27, 2010

Paulette (ou Le Grand Safari Urbain)


Vous me connaissez : la chasse, c’est ma vie. Mais attention ! La vraie ! Celle qui protège les espèces et élimine les nuisibles.


Je suis toujours à la recherche de parties de chasse et de safaris. Malheureusement, ils ne sont pas tous bien organisés et j’en connais qui en ont bavé de toutes les couleurs. Quand celui qui rit le dernier a bien fini de rire, plus personne ne rigole plus, si vous voyez ce que je veux dire. Safari plus du tout, et là, c’est la goutte d’eau qui met le feu aux poudres.


Alors, quand Fredo m’a parlé d’une annonce de GSU, je suis allé voir sur place à l’agence car il est tellement menteur que je ne crois même pas le contraire de ce qu’il dit. Pour une fois, il avait raison. Il s’agissait d’un Grand Safari Urbain super bien organisé. Nous étions libres de notre parcours et ceux qui n’avaient pas d’objectifs précis pouvaient se rendre jusqu’à des réserves aménagées à leur intention avec le plus grand soin. On peut dire que c’était une agence qui avait de l’imagination dans les idées.


Vous pensez si j’ai sauté sur l’occasion. Il m’ôtait une fière chandelle du pied, le Fredo.


Nous avons passé une excellente journée et, somme toute, une journée très profitable pour tout le monde. J’avais rameuté tous les potes et nous étions bien une dizaine de quat-quatre à démarrer rue de la Faisanderie. Après un désopilant gymkhana sur les trottoirs en essayant d’éviter les poubelles et les personnes âgées, nous sommes arrivés à notre première réserve.


L’agence avait laissé le choix. Soit on cherchait à descendre des cons ou des imbéciles de nos connaissances, soit on faisait des cartons dans les réserves de cons préparées par l’agence. J’avais d’abord pensé à Paulette. Depuis le temps que je cherchais à débarrasser l’humanité de cette hyène. Mais c’était trop difficile de retrouver Paulette dans le temps imparti. C’était comme chercher une meule de foin dans un champ d’aiguilles. Alors, j’ai opté pour les réserves. Ainsi, j’espérais descendre le maximum de cons.


Faut reconnaître que l’agence avait bien fait les choses. La réserve était pleine. Oh, bien sûr, y avait pas tous les cons. Comme disait feu mon père qui était portier (le malheureux s’est tué en nettoyant son fusil), si on mettait tous les cons dans un placard, il n’y aurait plus personne pour fermer les portes. Malgré tout, il y avait un bel échantillonnage avec tous les gabarits. Il ne restait plus qu’à se retrousser les bras et à tirer dans le tas.


Vous auriez vu le carnage. Un régal. Y avait bien des moins cons qui essayaient de s’échapper mais c’est pas à un vieux renard qu’on apprend à faire la limace.


Et vous n’allez pas le croire : Paulette était dans la réserve !


La cerise qui fait déborder le vase.


La cabane

La coutume familiale voulait que chaque été je passe un mois à la campagne chez ma grand mère. Elle habitait une petite maison à l’écart d’un minuscule village perdu dans un repli du massif central. Elle était enveloppée de silence que seuls troublaient le chant du coq et le grincement de la bicyclette du facteur.


Il y avait au fond du jardin une cabane en bois d’aspect tout à fait ordinaire. Elle ressemblait à s’y méprendre à ces cabanons où il était d’usage de satisfaire les besoins de la nature avant l’invention de la chasse d’eau.


Peu de gens s’en approchaient car, si elle avait perdu sa fonction première, du moins le supposait-on étant donné l’énorme cadenas vert qui en interdisait l’accès, il n’en émanait pas moins, été comme hiver, une forte odeur rappelant plus l’épandage fertilisateur que l’élevage des canards vécés.


Une nuit d’insomnie et de canicule, j’aperçus un halo de lumière semblant venir du cabanon, mais lorsque je m’y rendis il ne restait plus que cette terrible odeur qui me fit rebrousser chemin.


N’y tenant plus, malgré une opiniâtre constipation , je décidai de percer ce mystère et surveillai les allées et venues de grand mère afin de savoir où elle cachait la clé du cadenas vert. Il me paraissait en effet impossible de pénétrer à l’intérieur du cabanon sans ce précieux accessoire.


Après deux semaines de vaine surveillance, je décidai de lui demander, sur un ton désinvolte et désintéressé pour ne pas éveiller ses soupçons, où se trouvait la clé du cabanon.


Grand mère me répondit qu’on ne l’avait jamais retrouvé et que le cabanon n’avait jamais été ouvert depuis le départ de grand père sur le front russe.


Les faits étaient largement antérieurs à ma naissance. Du coup, ma curiosité se mit à déborder comme une casserole de lait oubliée sur le feu. Comment était-il possible que le cabanon n’ait jamais été ouvert depuis le départ de grand père ? Personne ne s’intéressait donc à ce qu’il pouvait contenir ? Il n’était pas surprenant, dans ces conditions, que les herbes qui l’entouraient soient complètement folles. Folles de curiosité, à n’en pas douter.


Retenant ma respiration durant d’interminables secondes, je me mis à rôder autour de cette cabane et la fixais longuement en espérant que cela suffise pour en percer le secret.


La toiture était faite d’une plaque de tôle ondulée. Je constatai avec stupeur qu’elle laissait filtrer une lumière intérieure. Une lumière aux reflets changeants. Je ressentis des frissons le long de l’épine dorsale et des picotements sur la nuque.


Je tambourinai sur la porte en demandant courageusement s’il y avait quelqu’un. Le cadenas vert qui n’était que rouillé et non verrouillé tomba sur le sol. Je tirai sur la poignée qui me resta dans la main. Les WC étaient fermés de l’intérieur.


Terrorisé, je couru jusqu’à la maison et c’est généralement à ce stade de mon récit que les lecteurs me font passer pour fou.


Lorsque je racontai à grand mère ce qui m’était arrivé, elle partit d’un énorme rire démoniaque et il sortit de ses yeux et de sa bouche une lumière phosphorescente qui lançait ses rayons mortels au travers de la pièce. En même temps, et cela ne peut pas s’inventer, les lettres H et A de son rire sortaient de sa bouche et venaient se fracasser sur le sol dans un bruit d’enfer...


Je courus à travers la pièce pour éviter les rayons qui sortaient de ses yeux et brisaient tout sur leur passage comme des rayons laser. Je sortis et retournai au cabanon pour fuir cette mamie apocalyptique qui me poursuivait en semant autour d’elle les H et les A de ses HA ! HA ! HA ! HA ! HA !


Son regard coupa en deux la porte du cabanon plus rapidement qu’une scie circulaire et je basculai à l’intérieur de cette cabane qui n’avait pas de plancher.


Ma chute fut brutale. Je me relevai péniblement pour stopper la sonnerie du réveil.