jeudi, novembre 12, 2020

Un art peut en cacher un autre

Charles n’aspirait qu’à mener une vie raisonnable et vertueuse. La pratique de l’art de la méditation et de la mémoire lui permettrait certainement de déterrer ses talents cachés et d’atteindre, en dépit de circonstances peu favorables, un bonheur serein. Il voulait s’en convaincre.

Il était peu séduisant et aurait eu besoin d’un nombre considérable de retouches pour être accepté dans le concours de beauté le plus modeste.  Aussi, s’était-il habitué progressivement aux râteaux et était-il passé maître en Hellénépiphanisation qui est l’art d’aller se faire voir chez les Grecs.


Il s’était exercé également à la pratique de la drague et du baratin, mais n’avait progressé que dans l’art de la luthomiction qui est, comme chacun le sait, l’art de pisser dans un violon.


Il avait conscience de tout cela et maîtrisait philosophiquement l’art de savourer les réminiscences. Il en était là de ses réflexions, assis à la terrasse d’un café parisien, au milieu d’une foule bruyante, lorsque lui apparut Clémence.


Elle passa devant lui en laissant dans son sillage une traînée de parfum à cinquante euros la giclée. Il n’y avait rien à redire à son enveloppe extérieure. Elle aurait pu être la vedette d’un harem de sultan. Ses rondeurs d’une volupté presque immoral s’offraient sans pudeur au feu du regard de Charles, dont la chaleur la fit se retourner.


La fille qui lui avait tapé dans l’œil était un de ces jeunes vampires tout en rouge à lèvres, dont le temps passé à la toilette et au maquillage ne laisse d’autre possibilité que celle d’exercer la pyropygie qui est l’art de mettre le feu aux fesses d’autrui.


Elle sourit, et ce fut comme si quelqu’un avait baissé le volume du reste du monde. Charles n'entendait plus le brouhaha dont il était enveloppé l’instant d’avant.


Le feu avait pénétré dans son cœur, mais il se garda bien de sourire en retour, affectant l’indifférence, car il savait bien que ses chances étaient très minces, pour ne pas dire squelettiques. Il était demeuré assis, jouant à placer bout-à-bout l’extrémité des doigts de ses deux mains, en regrettant de ne pas en avoir davantage.


Rien dans ses manières ne suggérait qu’il aurait aimé lui faire une déclaration d’amour enflammée. On lui aurait plutôt délivré un diplôme d’orchopercussion qui est l’art de s’en battre les couilles.


Ô combien il aurait aimé avoir sous la main un dragon à terrasser afin d’attirer davantage l’attention de la demoiselle !

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