lundi, novembre 16, 2020

La rencontre

 La vie du cosaque Victor Ivan Nikitarovitch lui semblait une longue route verglacée et sans espoir. Pour mieux en épouser les virages, il avait choisi de ne conduire que saoul. Aussi, ne prenait-il jamais le volant sans avoir bu au moins deux ou trois « sorcières ambrées » qu’il affectionnait particulièrement, et de préférence sans eau de Seltz.


Victor Ivan Nikitarovitch avait une tête excentrique aux joues allumées, au crâne nu et brillant qu’ont souvent les têtes de toqués. Il avait quelque chose du comédien, du fou et du distillateur-goûteur, avec une parole bizarre qui dramatise et s’arrête parfois au milieu de ricanements troublants.


Bien entendu, cela était du aux « coups de fouet » qu’il ingurgitait régulièrement, un cocktail de son invention que l’on servait aux lapins lorsqu’on les opposait à des grizzlis dans les arrières-salles des tripots du grand nord sibérien. Dans un seul cas, l’ours avait tenu trois rounds.


Plus d’une fois le cours de sa vie avait failli voler en éclats, mais il n’avait jamais eu d’accident, ayant toujours réussi à rattraper les zigs fortuits de sa Lada par des zags rapides et opportuns.


Son seul accident, son coup de malchance, ce fut lors d’un coup de foudre avec Ievguenia Alekssandrovna qui faisait du stop. 


C’était une splendide gaillarde, à la croupe avantageuse, aux yeux charbonnés, aux lèvres sanguinolentes et certainement titulaire de la plus belle devanture de Komsomolsk-sur-Amour. Le tout était véhiculé par une paire de jambes qui disparaissait dans des cuissardes moulantes aptes à provoquer les émotions les plus frétillantes.


Dès que Viktor Ivan Nikitarovitch la vit, son vit lança immédiatement un défi à Von Karajan.


Ievguenia tomba immédiatement amoureuse de Viktor. Bien décidée à plonger rapidement le cosaque dans le vertige de son corsage et les commissures de son intimité, elle lui offrit rapidement l’hospitalité de son hangar à fourrage.


Elle ne fut pas déçue.


Ses mains partirent en balade, glissèrent le long de la splendeur velue du torse de Viktor Ivan Nikitarovitch, s’attardèrent sur les épaules osseuses, descendirent le long des bras, touchèrent les hanches, le ventre plat et encore un peu plus bas.


Là, les mains s’arrêtèrent.


Ievguenia Alekssandrovna ouvrit grand les yeux et toucha encore une fois. Etait-ce vraiment possible ? Avec une précaution infinie elle souleva la couette pour confirmer de visu la découverte de sa main.


Ses ébats connurent alors un surcroît d’intensité dont le ressort lui échappait de temps en temps.


Hélas, Ievguenia ne supporta pas les « coups de fouet » de Viktor et les haltes quotidiennes au « Palais de la Vodka ». Un soir, elle trébucha dans l’Amour, juste à son confluent avec la Boureïa, et ne remonta pas d’une semaine. Une belle mort, en somme.



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