samedi, novembre 21, 2020

Rester ou partir


Le professeur Didier Raoult. — je précise illico qu’il s’agit d’un homonyme. — venait d’achever la conclusion d’une longue conférence sur les conditions d’existence à la fin d’une civilisation industrielle décadente.


Il restait encore dans la salle quelques survivants qui se débattaient dans le bourbier du découragement, et luttaient contre une irrésistible envie de suicide.


C’est alors qu’une jeune femme rousse qui semblait n’avoir rien écouté tant elle paraissait préoccupée par ce qu’elle voyait dans le miroir de son poudrier, posa LA question qui ferait plus tard l’objet d’un nombre considérable de débats et de multiples exercices d’écriture.


Alors, Professeur, lança-t-elle d’une voix aussi veloutée qu’une soupe aux pois chiches trop poivrée, faut-il rester ou partir ?


Le Professeur Raoult sursauta, rejeta en arrière son abondante chevelure blonde  — toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait purement fortuite —  et tout en triturant une maigre barbichette dartagnesque, rétorqua : Voilà une bonne question. Elle est fondamentale et je vous remercie de l'avoir posée.


En préambule, je voudrais vous faire remarquer que l'on n’a pas demandé à venir. Ça commence toujours mal. Ce n'est pas notre choix. On ne nous a pas demandé notre avis. À la fin de l'histoire, on sait déjà que l'on devra partir, que nous soyons d'accord ou non !


Alors, pourquoi voudriez-vous qu'entre ces deux extrémités, nous ayons le choix de rester ou partir ? Enfin ! Un peu de bon sens. Mais vous ne pouvez pas comprendre, vous n’évoluez pas dans le même écosystème.


Ha ! Je sais bien qu'il y en a qui passent leur temps à partir. Cela leur donne sans doute un sentiment, je devrais dire une illusion, de liberté. J’ai là des graphiques qui en attestent et j’ai diffusé sur la question plus d’études que beaucoup de mes confrères. Vous pouvez vérifier, c’est on line. Ces personnes mutent,  changent de conjoint, de domicile, de travail, de pays et que sais-je encore ? Est-ce vraiment un choix ? La plupart du temps, elles le font sous la contrainte, quand ce n'est pas dans l’urgence.


Personnellement, je serais plutôt partisan de rester. C'est moins fatiguant. Moins de déménagements, moins de frais, moins d'ambition, moins de progrès, moins de croissance. Tranquillou quoi ! (Je vous avais dit qu’il s’agissait d’un homonyme).


Enfin, je dis ça, je dis rien, poursuivit-il. Nous sommes tous condamnés à nous cogner les orteils sur la brique du Destin, et ensuite il vaut mieux attendre que la douleur s’apaise. Le Destin n'aime pas qu'on ait des certitudes, et c'est toujours le moment où nous pensons que le monde nous appartient qu'il choisit pour brandir sa matraque plombée.


Alors, rester ou partir, le hasard choisira pour nous. Et je vous le redis, on finira tous par partir. Tous !


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