jeudi, novembre 19, 2020

L'accident



Mon accident est survenu le jour même où j’avais fait l’acquisition de deux éthylotests pour bénéficier d’un prix promotionnel. Deux pour le prix d’un seul.

J’en ai évidemment profité pour tester celui qui était gratuit. En sortant du bistrot, j’ai embrassé par inadvertance un platane en bas d’une putain de ligne droite qui se terminait par un virage à angle droit.


Quand je me suis réveillé après plusieurs mois de coma, j’avais des tuyaux partout et je ressemblais au personnage principal dans Les maléfices de la momie, The Curse of the Mummy’s Tomb, de Michael Carreras. C’est un film dans lequel la momie ressuscite.


Je vivais.


Ma courbe de température faisait le grand huit et j’étais incapable d’articuler un mot ou de lever le petit doigt. Les toubibs étaient sans espoir et ma famille refusait de signer mon ticket de sortie. J’étais un calife au milieu d’un harem d’infirmières qui soignaient un légume dans un sarcophage.


J’étais plus mort que vivant, mais tant qu’il y a de la vie…


Puis vint le jour où j’ai pu appuyer sur le bouton de la télécommande pour appeler du secours, et commencer à parler comme une fuite de gaz.


Je vivais toujours et ma courbe de température s’était stabilisée.


Six mois plus tard, je pouvais m’asseoir dans le fauteuil de ma chambre avec l’aide de deux personnes. C’est à cette époque que deux flics sont venus me voir pour des explications sur les circonstances de l’accident. Ils insistaient avec des regards de hyènes au motif que j’avais terminé ma course en culbutant un vieillard qui sortait son chien, lequel attendait toujours son maître devant la porte du crématorium. Mes cabrioles m’ayant placé immédiatement en état de mort cérébrale, j’étais bien incapable d’avoir le moindre souvenir de ce qui s’était passé.


À partir de ce moment-là, ils ont placé un agent en faction devant ma porte et ma courbe de température a recommencé à grimper.


Ce n’était plus La momie, mais La malédiction du pharaon.


Comme la chance ne sourit qu’aux crapules pendant que les pauvres gens meurent aux pieds vermoulus de l’échelle sociale, ma santé s’est rétablie et mon jugement s’est tenu en présence d’un avocat stagiaire commis d’office.


J’ai quitté ma chambre et son harem pour une cellule et ses matons, ce qui m’a occasionné un peu de déprime, d’autant que ma famille qui n’avait pas voulu me faire sortir de l’hôpital ne cherchait pas davantage à me faire sortir de prison.


Mais enfin, je vivais toujours…


Comme il n’y a de chance que pour les salauds, je suis sorti plus tôt que prévu, quand une contre enquête finit par révéler à l’issue d’une bataille d’experts, que mon vieillard était mort d’une crise cardiaque.


Aujourd’hui, je me suis marié avec mon infirmière préférée. Peut-être parce que je viens de gagner au loto.


Enfin, la vie commence.

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