lundi, octobre 03, 2022

Une histoire de carapace

 

— Le chien se noie et la carapace casse.


— Non, Robert, cela ne veut rien dire. La véritable citation, c’est : « Les chiens aboient et la caravane passe ». Là, c’est logique. Les chiens voient passer la caravane et la caravane les fait aboyer. Une caravane ça fait aboyer les chiens, Robert. C’est bien connu. Quand un chien voit un dromadaire, c’est sûr, il aboie. C’est dans l’ordre des choses. Alors qu’un chien qui se noie, je ne vois pas pourquoi cela ferait casser une carapace. Ça n’a pas de sens. Des fois, je me demande si tu réfléchis. J’aimerais bien que tu te reprennes, Robert. Écoute-moi quand je te parle. J’ai remarqué un certain relâchement dans tes citations. L’autre jour, je t’ai entendu dire : « le dos de la main morte ». Il faut choisir, Robert, soit c’est la main morte, soit c’est le dos de la cuillère. Il n’y a pas de cuillère morte. C’est comme dimanche dernier, tu as dit : « c’est la goutte qui met le feu aux poudres ». Enfin, Robert, c’est pas sérieux !


— Oh ! Tu me les casses avec ta caravane ! En es-tu bien sûr Roger-Emmanuel ? Tu n’as jamais voulu me comprendre. L’autre jour, quand le père Firmin a perdu son chien ; son chien, il est mort noyé, tu es bien d’accord ? 


— Oui, il n’aurait jamais dû traverser la rivière pour rejoindre son maître. Il a présumé de ses forces. Il était trop vieux.


— C’est vrai, mais tu sais, les chiens, c’est l’amour du maître avant tout. Enfin, quoiqu’il en soit, le père Firmin a pleuré son chien. À chaudes larmes, même. Or, tu reconnaîtras que le père Firmin a toujours voulu jouer les durs. Celui qui en a vu d’autres, celui qui sait masquer ses sentiments. Et bien, pour le coup, sa carapace s’est fendue. Le père Firmin n’a pas un cœur aussi insensible qu’il voulait bien nous le faire croire. Alors, moi je dis : « le chien se noie et la carapace casse ».


— Évidemment, vu sous cet angle, on peut le dire, mais ce n’est pas une expression courante. Tu dis ce qui t’arrange : Il m’ôtait une fière chandelle du pied, ils en ont bavé de toutes les couleurs, se retrousser les bras et même c’est pas aux vieux renards qu’on apprend à faire la limace. J’en oublie certainement. Tu avoueras que c’est la cerise qui fait déborder le vase, heu, je veux dire sur le gâteau. Tu vois, tu m’embrouilles. Tu es content de toi, certainement !


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