dimanche, octobre 02, 2022

666


Paul venait de passer une semaine à remonter le temps pour savoir si c’était mieux avant. Ce n’était pas mieux. Toujours pareil. Il n’osait plus ouvrir lorsque l’on sonnait à sa porte. De toute manière c’était toujours le même scénario. Lorsqu’il ouvrait, il n’y avait personne. Il avait beau se précipiter sur le palier et se pencher au dessus de la rambarde pour essayer d’apercevoir le coupable, il n’avait jamais rien vu. Il habitait au troisième étage et il lui semblait impossible de quitter l’immeuble en si peu de temps. Il aurait dû entendre la cavalcade d’une fuite dans les escaliers. C’était incompréhensible. Il avait soupçonné ses voisins de palier ou, du moins, les plus proches de son appartement, mais les perquisitions de la police n’avaient rien donné. Le fautif s’était comme volatilisé. Chaque fois, il y avait sur son paillasson une enveloppe avec une clé à l’intérieur et un post-it mentionnant une adresse avec le numéro 666. C’était infernal.


La première fois il s’était rendu sur place. Le post-it mentionnait un numéro de consigne dans une gare de banlieue. Il avait beaucoup hésité en regardant cette clé à la forme bizarre puis il s’était dit qu’il ne risquait pas grand chose à aller voir. Ce n’était pas si loin et il était d’un naturel curieux. Le post-it ne mentait pas. La clé ouvrait bien la consigne 666. À l’intérieur il y avait une grosse enveloppe qu’il avait ouvert lentement avec crainte et méfiance. Elle contenait une forte somme d’argent. Un regard circulaire l’avait rassuré. Il n’était pas surveillé. La petite gare était quasiment vide à cette heure de la journée.


La deuxième fois, la clé ouvrait une cave. Les indications du post-it étaient précises : deuxième sous-sol, entrée C, couloir de gauche, cave numéro 666. Le seul point commun avec la clé précédente était ce numéro, celui du diable. Il le savait mais ne comprenait pas où l’inconnu voulait en venir. Il n’y avait dans cette cave qu’une table avec une boite en fer posée dessus. Il ouvrit la boite avec autant de précautions qu’il avait ouvert l’enveloppe une semaine auparavant. Aucun bruit suspect laissant craindre un piège quelconque. Il eut cependant un mouvement de recul et un haut le coeur en découvrant un doigt sanguinolent à l’intérieur. Il prit peur. Toute cette mascarade n’augurait rien de bon. Depuis la découverte de l’argent il s’était posé mille questions, avait échafaudé des tas de scénarios et émis autant d’hypothèses. Les choses prenaient un tour macabre qui l’incitait à prévenir la police, mais dans ce cas devait-il parler de l’argent ? Il n’avait pas résisté à en utiliser une partie.


La troisième fois, il ne savait à quoi s’attendre. Il avait couru jusque dans la rue pour essayer d’apercevoir son tourmenteur, mais en vain. Il n’avait pas encore appelé la police. Devait-il le faire à présent ? Le post-it donnait l’adresse d’un appartement. Il se laissa quelques jours pour réfléchir et son goût de l’aventure trancha pour lui. Il s’y rendrait et s’expliquerait. Cette farce avait assez duré. S’il fallait rendre l’argent, il le rendrait. Il s’arrangerait. On ne pouvait rien lui reprocher personnellement. En poussant la porte de l’appartement 666, il trouva un cadavre dans le couloir de l’entrée.


Il n'avait pu faire autrement que d’appeler la police, avait passé vingt-quatre heures dans leurs bureaux pour essayer de s’expliquer et écarter les soupçons. Il avait seulement menti sur le contenu de l’enveloppe. Les perquisitions n’avaient donné aucun résultat. En bas, dans la rue, des flics en civil surveillaient l’entrée de son immeuble.


On sonnait à sa porte. C’était la quatrième fois ! Il n’osait pas ouvrir. De toute manière c’était toujours le même scénario. Lorsqu’il ouvrait, il n’y avait personne.




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