jeudi, juillet 09, 2020

Le fantôme de la bibliothèque


  • Mais vous avez beaucoup de retard, se plaignit le bibliothécaire du château, d’un ton réprobateur et inquiet, tout en s’épongeant le front. Je vous attendais la semaine dernière ! Le fantôme s’est manifesté toute la semaine, savez-vous ? Nos livres disparaissent un à un et…
  • Et depuis, plus rien ?
  • Non, sa dernière apparition date de dimanche, minuit..
  • Heure de Paris ?
  • C’est important ?
  • Et comment ! Une fois, j’ai attendu un fantôme toute une nuit et pendant ce temps là, il errait dans les couloirs du château Frontenac.
  • Bon, je vous laisse faire votre travail, dit-il en partant, une expression d’horreur sur le visage.

Il ment certainement, ai-je pensé. Je me suis mis à lire, ce que l’on fait habituellement dans une bibliothèque, et j’ai attendu, sans une once de peur.

Il régnait dans la bibliothèque, un silence de sépulcre que seul troublait le bruit assourdissant des pages lues que l’on tourne.
Dehors, le même silence étouffant des arbres au feuillage immobile. Nous étions au cœur de l’été et il faisait une chaleur toïde, sans le moindre souffle d’air.

On aurait entendu un gendarme passer dans les allées du parc.

Puis la porte de l’horloge comtoise qui ornait silencieusement un angle de la salle, en indiquant dix-neuf heures trente sept depuis plus de cinquante ans, émit un craquement et s’ouvrit en grinçant, laissant le passage à un ectoplasme blafard, vêtu d’une aube blanche.

Il fouilla dans les étagères et s’apprêtait à repartir par le même chemin avec un livre sous le bras lorsque je l’interpellai.

Mon étreinte le fit sursauter au point qu’il en perdit ses lunettes et il afficha cette stupeur caractéristique des animaux pris dans le pinceau des phares.

  • Tu peux te venter de m’avoir fait courir, vieux briscard, mais je te tiens enfin, dis-je en le prenant à bras-le-corps.

- Provisoirement, commissaire, provisoirement, crâna-t-il en m’adressant cette sorte de faible sourire que les gladiateurs romains adressaient à l’empereur avant d’entrer dans l’arène.

  • Comment avez-vous fait ? Me demanda le lendemain le bibliothécaire.
  • J’ai embrassé l’aube d’été, Rimbaudai-je*.
  • Ah ! Ah ! Vous pouvez dire, commissaire, que vous m’avez bien eu !
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* Cf. le poème de Rimbaud "Aube"

Les mots à placer : ALLÉE, PARC, CHÂTEAU, CRAQUEMENT, PEUR, ÉTREINTE, GRINCE et MENT.

4 commentaires:

Ghislaine a dit…

Hé bien que voilà une histoire qui aurait méritée que l'on s'y attarde un peu plus !!
On se laisse emporter et on veut en savoir plus ! Tu as l'art de nous tenter et puis tu files vite et on doit se poser mille question sur ce fantôme !
Qui est- il ? Pourquoi hante - t - il ce lieu ? etc ............
Une suite me plairait ? Peut avec les prochains mots Dan ??
Ghis

Oncle Dan a dit…

Mais Ghislaine… Tu suggères toi-même d’écrire des textes de cours !

Oncle Dan a dit…

Euh... je voulais écrire « court » bien sûr

Oncle Dan a dit…

Et même « courts » (avec un s)