lundi, janvier 09, 2023

Une impardonnable maladresse

 

Une sombre affaire que cette affaire de Père Noël. À part le Père Noël lui-même, qui est en psychanalyse depuis que ses parents lui ont dit qu’il n’existait pas, tout le monde sait bien qu’il n’existe pas. La question est tranchée depuis longtemps. Si l’on voit autant de Pères Noël dans les rues un peu avant le 25 décembre, c’est que tout le monde fait semblant.


L’inspecteur Proust non plus, ne croyait pas au Père Noël, et pourtant… 


Seul, dans sa maison isolée, en lisière de forêt, il essayait de lire un roman policier « À la recherche du sang perdu », mais il était trop préoccupé par ses affaires en cours pour s’intéresser à sa lecture. Ses « affaires en cours », voilà la raison de sa solitude, de son divorce, de la perte de sa famille. Ses « affaires en cours » l’avaient toujours trop accaparé, et il ne vivait plus que pour elles, délaissant tout le reste.


C’était plus fort que lui, il était obsédé en cette veille de Noël par la découverte d’ossements lors de l’assèchement d’une retenue d’eau pour faire de la neige artificielle. Était-ce lié à cette famille qui droguait les voyageurs de passage pour les dépouiller ? Ou bien était-ce l’œuvre du psychopathe, responsable de ces morts mystérieuses que l’on croyait dûes à des piqûres d’abeilles ? Et cet abbé disparu, après la confession d’un de ses paroissiens qui faisait partie d’une secte… pourquoi était-il allé se baigner seul, sous la pluie ? Était-ce dû à un excès de morphine ? Était-ce  un suicide ? Pourquoi voulait-il changer le bénéficiaire de son assurance le matin même de sa mort ? Pourquoi son fils avait-il disparu ? Était-ce le fils de l’abbé ? Tout se mélangeait dans sa tête. Trop de questions pesaient sur les épaules de l’inspecteur Proust. Au point qu’il ne se rendait pas compte que sa cheminée fumait de plus en plus. C’est vrai, elle avait toujours fumé un peu, cette cheminée, mais là, c’était vraiment trop !


Cela importait peu à l’inspecteur, qui lui tournait le dos, plongé dans ses réflexions, l’imbroglio des hypothèses qu’il empilait comme des châteaux de cartes dans son cerveau fatigué.


On le retrouva mort, une semaine plus tard, lorsqu’on s’inquiéta parce qu’il n’avait pas repris le travail. Quelle ironie ! Lui qui ne s’arrêtait jamais de travailler. Il était mort asphyxié par les émanations de sa cheminée.


D’ailleurs, il n’était pas le seul. Il y avait aussi dans cette cheminée, le responsable, lui-même intoxiqué.


Le responsable n’était autre, naturellement, que le Père Noël qui avait bouché la cheminée. Une impardonnable maladresse. Beaucoup d’enfants ne reçurent pas leurs jouets cette année-là. Et après cela, on continuera de croire qu’il n’existait pas ! Il n’existe plus. Voilà la vérité.

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