mardi, novembre 11, 2008

L'index de Monsieur Van der Mouche

─ Montrez-moi votre index, je vous prie, Monsieur Van Der Mouche.

─ Mon Dieu, pourquoi voulez-vous vouaire mon index, commissaire ?

─ Monsieur Van Der Mouche, ici, c’est moi qui pose les questions. Je vous prie de me montrer votre index sur le champ.

─ Soit, allons sur le champ, commissaire.

─ Monsieur Van Der Mouche, j’ai suffisamment fait preuve de patience avec vous. Si vous ne me montrez pas votre index immédiatement, je vous fais placer en garde à vue.

─ Ah ! Quelle mouche vous pique ? Tenez, voilà mon index. Etes-vous satisfait ?

─ L’autre.

─ Oui, oui, j’en ai deux. Voici l’autre. Mais diantre, que signifie cette comédie ?

─ Monsieur Van Der Mouche, il ne s’agit pas d’une comédie. Je n’ai guère le temps de jouer. Savez-vous qu’il se passe des choses pour le moins étranges dans la forêt de Cernunos ? Or, votre propriété est mitoyenne avec la forêt de Cernunos.

─ Certes, mais cela ne m’explique pas…

─ Ta ta ta, c’est mon affaire. Samedi dernier, comme tous les samedis, je faisais mon footing avec Monsieur de la Martinière. Un moment donné, le sentier que nous suivions se poursuivait de chaque côté d’un buisson. Monsieur de la Martinière a continué à droite, cependant que je contournais l’obstacle par la gauche. C’est alors que mon regard fut attiré par un objet au milieu du sentier. Il s’agissait d’une petite boite munie d’une serrure qui semblait faite en bois précieux. Je mis l’objet dans ma poche et courus pour rattraper Monsieur de la Martinière qui avait pris de l’avance.

Ah, je vous retrouve, Zéphirin-Ulysse, me dit Monsieur de la Martinière, je vous croyais bel et bien perdu. Oui, Monsieur Van Der Mouche, Monsieur de la Martinière m’appelle par mon prénom lorsque nous faisons notre footing ensemble. Puis il ajouta : il est vrai qu’actuellement, je retrouve tout ce que je perds. Figurez-vous que je viens de retrouver une clé de valise. Vous savez aussi bien que moi que l’on perd toujours ses clés de valise et qu’on ne les retrouve jamais. Et si, par hasard, on retrouve une clé de valise, on ne sait plus quelle valise elle ouvre.

Monsieur de la Martinière a toujours des conversations très intéressantes. C’est alors que nous arrivâmes dans la clairière de la lune bleue où s’était installé un cirque.

Curieux, nous entrâmes alors que se déroulais un numéro de prestidigitation.

L’illusionniste qui ressemblait au croisement d’un poète avec un lutteur disait à un pauvre bougre qu’il avait choisi dans l’assistance : « Je vais vous couper l’index, mais ne vous inquiétez pas, je vous le rendrai ».

Un complice, certainement.

Sur ce, il sort de sa pelisse un énorme couteau et tranche le doigt du malheureux qui se met à hurler.

« Pas de souci, pas de souci, je vais vous le rendre » disait le magicien en riant.

Il s’approcha de Monsieur de la Martinière, plongea la main dans sa poche, en retira une petite clé – la clé de la valise, pensai-je – puis retira de ma propre poche la petite boite que je venais de ramasser, l’ouvrit avec la clé de Monsieur de la Martinière et en retira un doigt sanguinolent.

─ Votre histoire est tout simplement incroyable, commissaire. Ne seriez-vous pas un peu surmené ces temps-ci ?

─ Je voulais m’assurer que vous n’étiez pas le complice déguisé de cet ensorceleur car il a disparu en fumée derrière sa cape noire en emportant ma bourse et celle de Monsieur de la Martinière.

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Cet exercice d'écriture peut surprendre mais répond à la proposition suivante :

Deux personnes se promènent dans une forêt. Leur chemin se sépare un instant, pendant lequel l'une des deux (le personnage principal), suite à un phénomène étrange, découvre une sorte de "boîte"...A partir de ce canevas très simple, racontez-nous une histoire où vous pourrez décider absolument de tous les détails, le but étant comme pour beaucoup de nos exercices d'éviter la banalité, les clichés, et donc de chercher à surprendre par le ton, les personnages, les situations...

C'est par où ?

Ah ouich ! On a connu l'enfer !

L'équipage n'était composé que de pirates qui avaient tout à oublier, même l'avenir. Le pire d’entre eux était le cuistot. Une teigne à forme humaine qui pratiquait la politique de la pomme de terre brûlée. Quant au capitaine, il possédait certainement une dose de péché originel bien supérieure à la moyenne. Nous l'avions surnommé « C'est par où ? » car nous recherchions en vain ce putain de trésor depuis bientôt un an.

Fredy arrêta son récit et s'abîma dans la contemplation des volutes bleuâtres de sa pipe qui faisaient penser à des têtes de mort.

Lorsqu'il sentit l'atmosphère sur le point d'exploser, il fit semblant de réfléchir et lâcha enfin : Comment vous décrire « C’est par où ? » sans vous faire peur ?

Un moment ou deux passèrent encore avant qu’il ne refit surface.

Il n’avait qu’un œil et qu’une jambe, et même sa jambe de bois avait des varices. Il s’en servait pour frapper les p’tits mousses auxquels il menaçait d’arracher la tête pour la leur faire avaler ensuite ; ce qui me paraissait un contresens et difficilement réalisable.

Après avoir essuyé la tempête du siècle, nous jetâmes l’ancre dans une baie très poissonneuse que nous baptisâmes la baie Tonnière.

Les hommes les moins malades partirent avec le capitaine à la recherche de ce putain de trésor. Nous étions lourdement chargés de pelles, de pioches et de coffres. J’avais choisi de porter la boussole.

Nous pensions toucher au but lorsque nous tombâmes sur un panneau indicateur. Ces imbéciles ignares applaudirent tous de joie et se tournèrent vers moi qui étais le seul à savoir lire.

C’est par où ? C’est par où ? Alors, Fredy, c’est par où ? Ne cessait de répéter « C’est par où ? » en me regardant de son œil chalumeau.

Les indications étaient écrites dans une langue dont j’ignorais jusqu’à l’existence, mais le capitaine, qui était sur le point de cracher son âme au diable et soignait son mal par de longues rasades de rhum frelaté, avait l’humeur chagrine.

J’affirmai donc qu’il fallait aller tout droit sur un ton de certitude granitique légèrement teintée de péremptoirité.

C’est ainsi que, peu après, nous tombâmes dans un guet-apens tendu par d’horribles sauvages anthropophages.

Je fus le seul à pouvoir m’échapper de la marmite.

La rondeur des jours

Ma journée commence par les Vigiles, vers zéro heure trente environ.

Deux heures après, je me recouche, mais à quatre heures, ce sont les matines qui sonnent.

Je me recouche à quatre heures et demie pour une bonne heure.

A six heures : Prime ou messe privée.

A sept heures et demie : messe matutinale.

A neuf heures : Tierce suivie de la messe conventuelle.

A onze heures et demie, sexte.

A douze heures quarante cinq, sieste.

A quatorze heures, none.

A seize heures trente, vêpres.

A dix-huit heures, complies, et à dix-huit heures quarante cinq, coucher... jusqu’aux Vigiles du lendemain.



Amen.

Ma bibliothèque

J'adore me rendre dans ma bibliothèque. Les murs y sont tapissés d'étagères couvertes de livres. Chacun d'eux est chargé de souvenirs précis qui commencent par de voluptueux instants de recherches dans les librairies. Mes livres font le dos rond quand je les caresse et frémissent d'aise lorsque je les feuillette.

J'aime l'odeur des bois précieux et du cuir qui règne dans la pièce.

Depuis la cuisine, je peux m'y rendre de deux manières totalement différentes. Soit, je passe par la salle à manger, je traverse le couloir central et je pousse la porte de ma chère bibliothèque, soit - et cela au risque d'en surprendre plus d'un - j'utilise le passage secret.

C'est qu'en effet, il existe, depuis la construction du manoir Tudor en 1943, un passage secret entre la cuisine et le bureau qui jouxte ma bibliothèque. Il suffit, pour l'emprunter, de faire glisser le fond du placard à provisions, descendre un escalier en colimaçon, traverser la cave et après avoir gravi un autre escalier en nocamiloc, pousser un panneau supportant quelques étagères de mon bureau.

Le seul reproche que j'aurais à lui faire est qu'elle paraît hantée. On ne cesse d'y assassiner mademoiselle Rose, madame Leblanc, le Révérend Olive, Mrs. Peacock, le professeur Plum et le colonel Moutarde.

Docteur Lenoir.

La voie de la simplicité

─ Approchez, mon cher Edward, vous allez tout de suite comprendre.

En fait, c’est très simple. Bien que de prime abord, cela puisse paraître un tantinet compliqué, les voies de la simplicité sont plus faciles à pénétrer que celles du Seigneur…

C’est un problème de relation entre la masse et l’énergie. Si vous voulez bien considérer que petit c est la vitesse de la lumière dans le vide et que l’énergie de liaison n’est pas proportionnelle…

─ …

─ Pardon ? Oui, il faut tenir compte de la répulsion des protons et de l’attraction des électrons…

─ …

─ Que dites-vous ? Ah ! Certes, il ne faut pas l’appliquer à un photon, dont la masse est nulle…

─ Mais, Albert,…

─ Mouiiii, cela dépend de la quantité de mouvement… Toujours est-il que je suis arrivé à cette formule simplissime : e = mc2 .