mardi, novembre 11, 2008

L'index de Monsieur Van der Mouche

─ Montrez-moi votre index, je vous prie, Monsieur Van Der Mouche.

─ Mon Dieu, pourquoi voulez-vous vouaire mon index, commissaire ?

─ Monsieur Van Der Mouche, ici, c’est moi qui pose les questions. Je vous prie de me montrer votre index sur le champ.

─ Soit, allons sur le champ, commissaire.

─ Monsieur Van Der Mouche, j’ai suffisamment fait preuve de patience avec vous. Si vous ne me montrez pas votre index immédiatement, je vous fais placer en garde à vue.

─ Ah ! Quelle mouche vous pique ? Tenez, voilà mon index. Etes-vous satisfait ?

─ L’autre.

─ Oui, oui, j’en ai deux. Voici l’autre. Mais diantre, que signifie cette comédie ?

─ Monsieur Van Der Mouche, il ne s’agit pas d’une comédie. Je n’ai guère le temps de jouer. Savez-vous qu’il se passe des choses pour le moins étranges dans la forêt de Cernunos ? Or, votre propriété est mitoyenne avec la forêt de Cernunos.

─ Certes, mais cela ne m’explique pas…

─ Ta ta ta, c’est mon affaire. Samedi dernier, comme tous les samedis, je faisais mon footing avec Monsieur de la Martinière. Un moment donné, le sentier que nous suivions se poursuivait de chaque côté d’un buisson. Monsieur de la Martinière a continué à droite, cependant que je contournais l’obstacle par la gauche. C’est alors que mon regard fut attiré par un objet au milieu du sentier. Il s’agissait d’une petite boite munie d’une serrure qui semblait faite en bois précieux. Je mis l’objet dans ma poche et courus pour rattraper Monsieur de la Martinière qui avait pris de l’avance.

Ah, je vous retrouve, Zéphirin-Ulysse, me dit Monsieur de la Martinière, je vous croyais bel et bien perdu. Oui, Monsieur Van Der Mouche, Monsieur de la Martinière m’appelle par mon prénom lorsque nous faisons notre footing ensemble. Puis il ajouta : il est vrai qu’actuellement, je retrouve tout ce que je perds. Figurez-vous que je viens de retrouver une clé de valise. Vous savez aussi bien que moi que l’on perd toujours ses clés de valise et qu’on ne les retrouve jamais. Et si, par hasard, on retrouve une clé de valise, on ne sait plus quelle valise elle ouvre.

Monsieur de la Martinière a toujours des conversations très intéressantes. C’est alors que nous arrivâmes dans la clairière de la lune bleue où s’était installé un cirque.

Curieux, nous entrâmes alors que se déroulais un numéro de prestidigitation.

L’illusionniste qui ressemblait au croisement d’un poète avec un lutteur disait à un pauvre bougre qu’il avait choisi dans l’assistance : « Je vais vous couper l’index, mais ne vous inquiétez pas, je vous le rendrai ».

Un complice, certainement.

Sur ce, il sort de sa pelisse un énorme couteau et tranche le doigt du malheureux qui se met à hurler.

« Pas de souci, pas de souci, je vais vous le rendre » disait le magicien en riant.

Il s’approcha de Monsieur de la Martinière, plongea la main dans sa poche, en retira une petite clé – la clé de la valise, pensai-je – puis retira de ma propre poche la petite boite que je venais de ramasser, l’ouvrit avec la clé de Monsieur de la Martinière et en retira un doigt sanguinolent.

─ Votre histoire est tout simplement incroyable, commissaire. Ne seriez-vous pas un peu surmené ces temps-ci ?

─ Je voulais m’assurer que vous n’étiez pas le complice déguisé de cet ensorceleur car il a disparu en fumée derrière sa cape noire en emportant ma bourse et celle de Monsieur de la Martinière.

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Cet exercice d'écriture peut surprendre mais répond à la proposition suivante :

Deux personnes se promènent dans une forêt. Leur chemin se sépare un instant, pendant lequel l'une des deux (le personnage principal), suite à un phénomène étrange, découvre une sorte de "boîte"...A partir de ce canevas très simple, racontez-nous une histoire où vous pourrez décider absolument de tous les détails, le but étant comme pour beaucoup de nos exercices d'éviter la banalité, les clichés, et donc de chercher à surprendre par le ton, les personnages, les situations...

C'est par où ?

Ah ouich ! On a connu l'enfer !

L'équipage n'était composé que de pirates qui avaient tout à oublier, même l'avenir. Le pire d’entre eux était le cuistot. Une teigne à forme humaine qui pratiquait la politique de la pomme de terre brûlée. Quant au capitaine, il possédait certainement une dose de péché originel bien supérieure à la moyenne. Nous l'avions surnommé « C'est par où ? » car nous recherchions en vain ce putain de trésor depuis bientôt un an.

Fredy arrêta son récit et s'abîma dans la contemplation des volutes bleuâtres de sa pipe qui faisaient penser à des têtes de mort.

Lorsqu'il sentit l'atmosphère sur le point d'exploser, il fit semblant de réfléchir et lâcha enfin : Comment vous décrire « C’est par où ? » sans vous faire peur ?

Un moment ou deux passèrent encore avant qu’il ne refit surface.

Il n’avait qu’un œil et qu’une jambe, et même sa jambe de bois avait des varices. Il s’en servait pour frapper les p’tits mousses auxquels il menaçait d’arracher la tête pour la leur faire avaler ensuite ; ce qui me paraissait un contresens et difficilement réalisable.

Après avoir essuyé la tempête du siècle, nous jetâmes l’ancre dans une baie très poissonneuse que nous baptisâmes la baie Tonnière.

Les hommes les moins malades partirent avec le capitaine à la recherche de ce putain de trésor. Nous étions lourdement chargés de pelles, de pioches et de coffres. J’avais choisi de porter la boussole.

Nous pensions toucher au but lorsque nous tombâmes sur un panneau indicateur. Ces imbéciles ignares applaudirent tous de joie et se tournèrent vers moi qui étais le seul à savoir lire.

C’est par où ? C’est par où ? Alors, Fredy, c’est par où ? Ne cessait de répéter « C’est par où ? » en me regardant de son œil chalumeau.

Les indications étaient écrites dans une langue dont j’ignorais jusqu’à l’existence, mais le capitaine, qui était sur le point de cracher son âme au diable et soignait son mal par de longues rasades de rhum frelaté, avait l’humeur chagrine.

J’affirmai donc qu’il fallait aller tout droit sur un ton de certitude granitique légèrement teintée de péremptoirité.

C’est ainsi que, peu après, nous tombâmes dans un guet-apens tendu par d’horribles sauvages anthropophages.

Je fus le seul à pouvoir m’échapper de la marmite.

La rondeur des jours

Ma journée commence par les Vigiles, vers zéro heure trente environ.

Deux heures après, je me recouche, mais à quatre heures, ce sont les matines qui sonnent.

Je me recouche à quatre heures et demie pour une bonne heure.

A six heures : Prime ou messe privée.

A sept heures et demie : messe matutinale.

A neuf heures : Tierce suivie de la messe conventuelle.

A onze heures et demie, sexte.

A douze heures quarante cinq, sieste.

A quatorze heures, none.

A seize heures trente, vêpres.

A dix-huit heures, complies, et à dix-huit heures quarante cinq, coucher... jusqu’aux Vigiles du lendemain.



Amen.

Ma bibliothèque

J'adore me rendre dans ma bibliothèque. Les murs y sont tapissés d'étagères couvertes de livres. Chacun d'eux est chargé de souvenirs précis qui commencent par de voluptueux instants de recherches dans les librairies. Mes livres font le dos rond quand je les caresse et frémissent d'aise lorsque je les feuillette.

J'aime l'odeur des bois précieux et du cuir qui règne dans la pièce.

Depuis la cuisine, je peux m'y rendre de deux manières totalement différentes. Soit, je passe par la salle à manger, je traverse le couloir central et je pousse la porte de ma chère bibliothèque, soit - et cela au risque d'en surprendre plus d'un - j'utilise le passage secret.

C'est qu'en effet, il existe, depuis la construction du manoir Tudor en 1943, un passage secret entre la cuisine et le bureau qui jouxte ma bibliothèque. Il suffit, pour l'emprunter, de faire glisser le fond du placard à provisions, descendre un escalier en colimaçon, traverser la cave et après avoir gravi un autre escalier en nocamiloc, pousser un panneau supportant quelques étagères de mon bureau.

Le seul reproche que j'aurais à lui faire est qu'elle paraît hantée. On ne cesse d'y assassiner mademoiselle Rose, madame Leblanc, le Révérend Olive, Mrs. Peacock, le professeur Plum et le colonel Moutarde.

Docteur Lenoir.

La voie de la simplicité

─ Approchez, mon cher Edward, vous allez tout de suite comprendre.

En fait, c’est très simple. Bien que de prime abord, cela puisse paraître un tantinet compliqué, les voies de la simplicité sont plus faciles à pénétrer que celles du Seigneur…

C’est un problème de relation entre la masse et l’énergie. Si vous voulez bien considérer que petit c est la vitesse de la lumière dans le vide et que l’énergie de liaison n’est pas proportionnelle…

─ …

─ Pardon ? Oui, il faut tenir compte de la répulsion des protons et de l’attraction des électrons…

─ …

─ Que dites-vous ? Ah ! Certes, il ne faut pas l’appliquer à un photon, dont la masse est nulle…

─ Mais, Albert,…

─ Mouiiii, cela dépend de la quantité de mouvement… Toujours est-il que je suis arrivé à cette formule simplissime : e = mc2 .

samedi, octobre 11, 2008

Tous les soirs, c'était la même farce.

Tous les soirs, c'était la même farce : Alors que j'étais sur le point de m'endormir après avoir avalé un demi tube de somnifères dans un grand verre de whisky, l'orchestre du Boucan sublime, un groupe de fêlés qui croyait jouer du jazz, partait faire du bruit dans la rue en quittant bruyamment la boite de nuit au dessus de laquelle j'habitais.

Je logeais à cette époque dans un petit hôtel sordide, en compagnie d'un régiment de cafards et de quelques souris neurasthéniques.

A la lueur incertaine d'un néon publicitaire qui saignait sporadiquement dans ma piaule, je saisis sur le tabouret qui me servait de table de nuit, une fiasque violette et déglutis quelques rasades d'un liquide noir propre à réveiller les morts et les pousser à faire justice au milieu de la nuit.

Après avoir dévalé sur mon postérieur un étroit escalier en colimaçon, je rattrapai la bande du Boucan sublime sur le trottoir et les gratifiai d'une volée d'épithètes traduisant des mois de contrariété et de rancœur accumulées, leur signifiant que leur comportement n'aurait pas été toléré sur le gaillard d'avant d'un bateau de pirates.

Le plus grand de la bande qui jouait de la clarinette, se retourna vers moi en me demandant si je ne me payais pas sa tête. Il était habillé comme un bagnard avec un bonnet rouge et je lui dis – j'étais encore sous l'effet du liquide noir – que rien au monde ne pouvait m'inciter à m'offrir sa tête répugnante.

Alors que l'instant d'avant, il avait l'allure guillerette de l'homme prêt à faire des claquettes et à jodler, il passa soudainement du beau fixe à tempête comme un baromètre détraqué et se mit à me parler comme s'il se trouvait à cinq cents mètres de moi.

J'admets que j'avais versé un seau d'eau froide sur son enthousiasme mais je trouvais exagéré qu'il se dise prêt à exposer mes entrailles au soleil.

Le plus laid des quatre leva sur moi ses baguettes de tambour. Je les saisis avant qu'il ne s'en rende compte pour les lancer dans le caniveau. Il me regarda avec l'air d'un ours auquel on aurait pris son miel, passa sur son front une main de la taille d'un jambon et entreprit de me courir après, suivi de ses camarades de bruit.

Encombrés de leurs saxos, trompettes, violons et tambours, ils ne coururent pas longtemps. J'ai déménagé tout de même.

mercredi, juillet 30, 2008

Un été meurtrier

1


La semaine venait de se terminer par une idée lumineuse : « Tous les meurtres avaient été commis en été ». Il fallait donc avoir l’œil et redoubler de vigilance.

Je dis « lumineuse » parce que c’est ainsi que le commissaire qualifiait habituellement ses idées, mais, à vrai dire, celle-ci ne m’éclairait pas tellement.

Vous verrez, Marfau, avait-il ajouté en s’épongeant le front, l’été commence et il y en aura d’autres. Il-y-en–aura-d’autres…

Au même moment, quelques centaines de kilomètres plus au sud, il faisait encore plus chaud. Les ondes rythmiques des cigales – clamant leur allégeance indéfectible au roi soleil – envoûtaient la campagne.

Comme à son habitude, la mère Michelle se rendait avec une lenteur de gastéropode ankylosé jusqu’à la grange où l’attendait une bicyclette qui faisait la convoitise des brocanteurs.

Tous les vendredis, elle se rendait au village pour aider son gamin aux travaux des champs. Le petit allait sur ses soixante quinze ans et peinait à l’exploitation de ses quelques hectares.

Elle enfourcha son vieux vélo rouillé avec d’infinies précautions et à une allure quasi onirique.Son déplacement sur cette monture grinçante était un véritable défi aux lois de l’équilibre.

Tout serait bien allé - les lois de l’équilibre en ayant déjà vu d’autres - si Joseph ne s’était pas trouvé là.Joseph était particulièrement de mauvaise humeur. Encore plus que d’habitude. L’œil nitescent et les vibrisses frémissantes, il émettait sans cesse des grognements borborygmiques de bougon perpétuellement mécontent. Cela était dû, sans doute, à son visage ingrat recouvert de boutons, son horrible haleine, ses épaules en carafe, son insoluble problème d'aisselles dégoulinantes, ses fesses plates et ses oreilles en portes de grange.

Ceux qui osaient encore l’approcher prétendaient voir dans son œil l’éclat fiévreux d’une haine définitive vouée à l’humanité toute entière.

L'essentiel de la capillarité broussailleuse de Joseph émergeait de ses oreilles et de son nez constamment agacé par les poils de sa moustache grillés par l'éternel mégot de gitane maïs mille fois rallumé.

Il soulageait ces horripilantes démangeaisons en frottant son nez couperosé comme un champignon vénéneux avec le revers de sa main.

Ce geste lui avait valu de nombreux revers, chiens, chats, poulets et autres animaux écrasés par son volumineux camion, mais de mère Michelle, jamais. C’était une première.Il jura, immobilisa tant bien que mal son véhicule dans un nuage de poussière et vint contempler sa victime.Sans vouloir se l’avouer, il aimait bien contempler ses victimes.

Il ne trouva qu’un vélo tordu et sans animosité dont seule une roue paraissait encore vivante et couinait faiblement…


2


Des photographies d’accidents, éparpillées sur le bureau du commissaire, lévitaient au rythme d’un énorme ventilateur rouillé à la rotation gémissante.

Vous vous souvenez de cette série d’accidents sur les routes des vacances, l’année dernière ? En fait, il s’agissait de meurtres. Il faisait très chaud et l’affaire a transpiré…

Vous m’entendez Marfau ? Parfois, je me demande si vous comprenez tout ce que je vous dis. Il y en aura d’autres, j’en ai le pressentiment, ajouta-t-il en s’épongeant front.

Au même moment, quelques centaines de kilomètres plus au sud, la terre se pâmait de chaleur ; le sol brillanté de réverbérations luisait comme les chaussures neuves d’un curé de campagne.

Joseph se grattait les fesses à travers sa soutane en contemplant d’un air dubitatif le vélo tordu qui agonisait devant son véhicule.

Il sursauta et se signa rapidement lorsque tomba du ciel une voix chevrotante dont l’intonation faisait penser au mouton appelant ses petits à l’époque de l’agnelage.

La mère Michelle était sur le toit de sa maison et semblait lui faire signe.Joseph repéra une échelle appuyée contre le mur des écuries et fit descendre la miraculée qui ne cessait de répéter ah, monsieur le curé, ah, ah, ah, monsieur le curé, ah, monsieur le curé.

Elle semblait vouloir continuer ainsi un bon moment, mais après avoir dit « monsieur le curé » à peu près six fois et « ah » une bonne douzaine de fois, elle réussit à s’arrêter en contemplant la tache d’huile qui s’échappait du véhicule de monsieur le curé.

Ce n’est pas grave, monsieur le curé, Paulo vous conduira chez Renaud pour la réparation. C’est le garagiste qui entretient ma bicyclette précisa-t-elle pour le rassurer tout à fait. Elle se baissa pour ramasser ses bésicles avant qu’elles ne soient rejointes par le liquide noir.

Ahhhh, monsieur le curé ! Ahhhh, monsieur le curé, reprit de plus belle la femme rabougrie en se rabougrissant davantage lorsque ses lunettes lui révélèrent le visage de Joseph sous la barrette noire.

Paulooooo, Paulooooo, appela-t-elle au secours, emporte vite monsieur le curé chez Renaud.

Paulo, surgissant de la grange au vélo rouillé, arriva dans l’instant et jeta un rapide coup d’œil à la dérobée sur l’homme en soutane. Ce curé là était bizarre. Il en avait peu vu avec un nez aussi turgescent et une moustache grillée à la gitane maïs. Un curé de quartier ouvrier, se dit-il. Aujourd’hui, on voit des curés à la télé en blouson de cuir et cheveux longs. Les temps ont bien changé.

Un gros rire lui parut indispensable pour dissimuler sa surprise mais il s’étouffa et Joseph trouva opportun de projeter sur les ténèbres de sa stupeur la lumière profuse de la fort simple explication : On m’a chargé de débarrasser les banlieues des déchets sociaux, dit-il. Enfin, je veux parler des brebis égarées, mon fils, et je dois vivre un peu comme eux pour mieux les comprendre.

Sentant la nécessité de soulager sans plus tarder la mère Michelle de cette présence incongrue, Paulo ouvrit toutes grandes les portes de la grange, dans laquelle trônait une magnifique Juva 4 des années cinquante qui semblait faire sa fierté.

Je vous emmène à la ville. Vous allez voir, monsieur le curé, c’est une 747 cm3 capable de faire des pointes à 95 km/h.

Sur la petite départementale sinueuse, Paulo ne tarissait pas d’éloges sur sa petite merveille.

Elle a même la radio, dit-il en allumant un vieux transistor relié à une antenne accrochée à la portière.

Clic – « … venez d’entendre la cinquième symphonie de… bizzzzz… criouïïïc… l’ouverture de France 24 que vous pouvez désormais visionner sur intern… tiouuuuiiiit… ise en examen par… chchchch… midables embouteillages qui paralysent toute la région … »

Paulo s’énervait en maugréant sur les touches de présélection. Ah, les infos qui se répètent tous les quarts d’heures, on se lasse au bout d’un moment !

Clic – « vous n’avez pas le montant de la val… crrrrrr… »Faut juste bien le régler. Vous allez voir. Une fois qu’on a trouvé le bon canal, c’est impeccable….

Clic – « vous propose à présent le troisième mouvement bizzzzzz… »

Décidément, aujourd’hui, il n’y a que le canal des infos qui fonctionne à peu près.

Clic – « Dix-neuf heures trente, nos rappels de l’actualité… »

Paulo insistait sur les touches noircies de crasse du vieux transistor.

« …pête accompagnée de fortes pluies et de violentes rafales a traversé vendredi la Fran…"

Meuh non, bon diou de bon diou. Heu, pardon, m’sieur l’curé.

« Un flash de dernière minute : Joseph Bourdayanne, dit « Le curé de campagne », s’est effectivement évadé du Centre psychiatrique de Saint Ylie. Nos correspondants nous le confirment »

Ah, ça y est : Cette fois, ce sont bien les informations.



3


La chaleur torréfiait la capitale et le commissaire n’avait plus rien sous la main pour éponger son corps ruisselant de transpiration. Il saisit un buvard qui lui laissa un point noir sur le front.

Inspecteur, me dit-il, il faut retrouver les propriétaires de tous les véhicules accidentés sur ces photos. J’insiste, Marfau. Je sens que nous tenons le meurtrier. J’ai toujours résolu mes plus belles affaires en été.Mon week-end était foutu.

Il s’interrompit à ce moment pour déloger une mouche qui s’était aventurée par la fenêtre ouverte et était venue s’emmêler dans ses cordes vocales.


Au même moment, quelques centaines de kilomètres plus au sud, la Juva 4 de Paulo laissait des traces sur le goudron fondu de la petite départementale.

C’est alors que surgit un énorme camion, aussi large que la route, dans un infernal bruit de sirènes couvrant les informations du vieux transistor. « … Le curé de campagne est un psychopathe extrêmement dangereux souffrant de troubles graves de la personnalité en cas de contrariétés… »

- Mais il est cinglé ! Regardez-moi ce con ! Mais serre-toi ! Serre-toi ! Est-ce qu’il va se serrer, nom de Dieu ?

- Mon père, je vous en prie, ne blasphémez pas !

L’abbé tourna la tête vers Paulo. Ce dernier n’avait jamais vu un visage humain passer plus subitement du plaisant au sévère. L’abbé devint subitement un être antipathique au dernier degré, patemment hargneux et un répugnant furoncle qu’il avait sur le front se mit à mûrir brusquement.

« … L’homme a des tendances anthropophagiques perverses qui l’ont amené à commettre par le passé toute une série de meurtres particulièrement atroces. Sa maladie est incurable à ce jour et la récidive est à craindre fortement… »

Le faciès de l’abbé continuait de se déformer au point que cette fois la simple vue de son regard aurait mille fois suffi à jeter l'épouvante dans les rangs d'un bataillon de légionnaires parachutistes.

« …Après avoir assommé ou poignardé sa victime, il la dévore immédiatement… »

Sa figure était défigurée – si toutefois on peut défigurer une figure telle que la sienne – par un affreux rictus. L’éclair d’une lame surgie de nulle part brilla dans la main de l’abbé.

« … l’individu est d’autant plus dangereux qu’il est intelligent et courtois et se dissimule sous l’habit du prêtre… »

Elle disparut entièrement dans l’abdomen de Paulo qui dit : « Ho ! »

« … la population est donc invitée à observer la plus grande vigilance et à prévenir la gendarmerie si elle aperçoit cet indiv… ».

Sans doute en raison d’une distraction de son chauffeur, la Juva 4 et Joseph se jetèrent sur le premier platane venu, ce qui fut fatal à l’une comme à l’autre, privant ce dernier du plaisir de dévorer sa victime.




L’antique téléphone en bakélite noire déchira l’atmosphère poisseuse du bureau surchauffé.

D’un geste étonnamment précis, le commissaire prit l’instrument et allô-a ; puis, après une brève communication au cours de laquelle il ne prononça pas un mot, le reposa délicatement, exactement au même endroit.

Le curé de campagne est mort, Marfau. Le dossier Bourdayanne est clos et votre week-end est sauvé.

C’est ainsi que l’été devint ma saison préférée.

dimanche, juin 08, 2008

La pièce était calme...

La pièce était calme, trop calme pour engager une conversation ou développer une pensée. Le silence était brûlant et épicé comme un cataplasme à la moutarde.

C’était l’habitude des pièces que le Président Franz-Hubert Fandenschtrüükensheim des spiritueux Fandenschtrüükensheim et Fandenschtrüükensheim venait de quitter.

Ses colères étaient toujours suivies d’une tempête de calme.

Il y avait de l’électricité dans l’air mais cette énergie ne semblait pas suffisante pour permettre à l’un d’entre nous de parler.

Moi-même, à part un ou deux ricanements affectés, je n’avais pas émis un seul son. Ah ! Si j’avais pu trouver quelque chose à dire, ils m’auraient entendu.

Et le responsable des ressources humaines qui restait planté là, comme un bénédictin aphasique ayant fait vœux de silence !

Il n’est pas facile d’enchainer derrière « Merde alors ! » et une porte qui claque. Personnellement, je ne trouvais rien de consistant malgré une intense réflexion. Peut-être une idée me serait-elle venue si j’avais pu faire quelques pas dans le corridor ou tourner autour de la table, la tête plongée dans les mains, mais les circonstances ne s’y prêtaient pas.

Toute cette gêne et ce mutisme risquaient fort, si l’on n’y prenait garde, de se transformer bientôt en chiendefaïencerie.

Alors, je fis « heu » pour débloquer la situation, mais le responsable des ventes fit également « heu » au même moment. Nos deux « heu » se heurtèrent avec un bruit sec avant de se briser par terre, et ce qui aurait pu être le début d’une phrase, s’évanouit dans l’atmosphère.

C’est alors que Georges, le Directeur financier, prit le verre de dégustation, l’assécha, et après avoir montré tous les signes d’un homme frappé par un éclair, dit « Aaaah ! ».

Celui qui n’était l’instant d’avant qu’une larve gluante d’excuses et transpirant par tous les pores était devenu une force de la nature et ressemblait à un gorille qui aurait eu un ulcère à l’estomac, si les gorilles ayant un ulcère à l’estomac sont bien ce que je pense.

Fandenschtrüükensheim avait raison : La commercialisation de cette liqueur aurait pu couler la société.

mardi, mai 06, 2008

La nuit où j'ai volé sur le dos du dragon

La nuit où j'ai volé sur le dos du dragon, j’ai compris que l’humanité n’était qu’un échiquier servant de cadre à la lutte de pouvoirs que se livrent des êtres venus d’ailleurs.

Ces créatures de l’espace étendent leurs ramifications destructrices jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat.

Leurs pions ne sont que des psychopathes, sociopathes, névropathes, marginaux à la dérive qui ne connaissent que la violence, la folie, la solitude, l’assassinat, le fascisme ordinaire, la brutalité, la corruption policière, la publicité et la consommation.

A chaque mot de cette triste énumération, le visage de Dexter se déformait davantage.

Lorsqu’il se tut, ce fut un soulagement général car il avait un coin de la bouche près de l’oreille gauche et l’autre extrémité vers le milieu du menton. C’était effrayant.

Remarquez bien : Dexter n’avait pas besoin de réciter les malheurs du monde pour paraître effrayant. Il l’était naturellement avec des cheveux dressés comme les plumes d’une poule effarouchée sur une tête faite de matériaux hétéroclites dont essayaient de s’échapper deux énormes yeux ronds, fendillés de veinules rougeâtres.

Sûr qu’il aurait pu rentrer directement à l’asile d’aliénés sans qu’on lui pose de questions.

Cependant, il se situait largement au-delà de l’orang-outan sur l’échelle de l’évolution et tous estimaient dans le comté qu’il était le seul à pouvoir être considéré comme savant, s’interrogeant même sur le poids du cerveau qui se cachait derrière ce front démesuré.

Tous les convives de la taverne de l’Ongle incarné faisaient cercle autour de lui, et, prenant conscience que le monde n’était pas la plaisanterie qu’on leur avait dite, tremblaient jusqu’à leurs vêtements les plus intimes.

Arthur, tapi sur sa chaise, avait les genoux en coton détrempé et commençait à prendre une teinte mauve. Quant à moi, j’allais certainement quitter l’auberge de l’Ongle incarné entièrement blanc de la racine à la pointe des cheveux.

Kevin, d’une voix mal assurée, voulut en savoir davantage sur le dragon volant.
Dexter partit alors d’un rire hyénesque en le gratifiant de quelques mots tirés du bas vocabulaire de la gynécologie triviale puis, avec la résignation de celui que le sort oblige à vivre au milieu d’une bande d’incurables idiots, précisa que le dragon était sa dernière invention, fabriquée de ses propres mains pour se déplacer dans la blogosphère.

Après l'amour...

Dès que j’ai eu pris connaissance du dernier thème d'écriture, je n’ai pas eu à tordre longtemps la serpillière des sentiments dans le seau des souvenirs pour que me revienne en mémoire cette rencontre insolite avec Peter à l’hôtel La princesse et le crapaud.

Je l’appelle Peter, en toute simplicité, son nom étant impossible à prononcer.

Je l’avais croisé au fumoir, après le dîner, et nous avions sympathisé le temps de quelques digestifs. Il était en compagnie d’une créature svelte, fine et équipée à profusion de cheveux dorés et de prunelles distinctement plus bleues que l’azur du ciel. Il nourrissait manifestement pour cette personne une passion qui ressemblait à de l’huile bouillante.

Lui, en revanche, faisait partie de ces personnages qui hantent vos cauchemars jusqu’à votre dernier souffle dès la première rencontre. On aurait dit qu’il avait été fabriqué par un taxidermiste incompétent et pressé qui l’aurait surdimensionné sauf en ce qui concernait la hauteur.

Ce soir-là, il faisait une chaleur à torréfier les graviers de la cour et je ne parvenais pas à trouver le sommeil. Je quittai ma chambre pour chercher un peu de fraîcheur nocturne sur le balcon. La nuit était tellement limpide et silencieuse que l’on aurait pu entendre un escargot se racler la gorge, s’il est exact que les escargots se raclent la gorge.

Le hasard nous avait octroyé des chambres contigües et lorsque je le vis sur le balcon à côté du mien, j’ai pensé qu’il couchait dehors en raison de son nom très compliqué.

Il était appuyé sur la rambarde, parfaitement immobile, une cigarette aux lèvres. L’ensemble était emballé dans une robe de chambre rose parsemée de nounours bleus.

─ Bonsoir Peter. Lui-dis-je depuis mon propre perchoir, supposant qu’il était d’usage entre insomniaques de tuer le temps.

Il bondit de quelques centimètres en direction des étoiles.

Quand il m’aperçut, il mit son doigt devant la bouche en signe de silence.

─ Chut ! Souffla-t-il. Vous allez réveiller Hélène.

─ On ne réveille pas un volcan qui sommeille, plaisantai-je, sans être tout à fait sûr s’il s’agissait ou non d’une plaisanterie.

─ Ah ! Mon ami ! Elle est l’étoile polaire de ma vie ; l’arbre où poussent les fruits de mon bonheur. Je n’en épouserais pas une autre, viendrait-elle à moi escortée de paons, d’esclaves chargés d’ivoire et de singes savants.

Puis, il ajouta avec un clin d’œil, en désignant la cigarette qui finissait de mourir au coin de ses lèvres : « Toujours, après l’amour ! ».

Une tache de vin bien marquée

L’expression ahurie du maçon Marcello, lorsqu’il entra dans le bureau du patron, restera à jamais gravée dans les tablettes de ma mémoire.

Il avait une grosse tête chauve arborant une jolie couleur verdâtre, à l’exception d’un nez rouge qui avait légèrement dévié du droit chemin.

Il fut immédiatement accueilli par une impressionnante série d’orgasmes gutturaux. Des mots comme « pignouf », « hurluberlu » et « crétin » s’envolaient de la bouche du patron comme chauve-souris d’une grange.

D’émotion, le pied de Marcello butta sur le pas de la porte et il exécuta une série de figures acrobatiques dignes de Bambi faisant ses premiers pas.

Lorsqu’il eu recouvré un semblant d’équilibre, ses yeux exophtalmés en groseilles à maquereau fixèrent intensément le patron comme s’ils cherchaient une trace de plaisanterie sur son visage.

Ce fut en vain.

Pourquoi as-tu fait un mur dans le champ du voisin ? Hurla-t-il avec la puissance d’une explosion dans un dépôt de munitions.

Je n’avais jamais vu Marcello prendre une teinte aussi riche. Il avait un regard où l’effarement tournait à plein rendement et on aurait dit une tomate essayant de s’exprimer.

Le patron leva une main pour étouffer dans l’œuf toute velléité de protestation, l’autre était serrée et déjà très occupée à taper rageusement sur son bureau.

Il a détruit deux poulaillers et une écurie, je vais étrangler cette crapule de mes mains et piétiner son cadavre avec des souliers à crampons me lança-t-il en jetant des flammes par les narines.

L’angoisse fut à son comble lorsqu’il assena sur son bureau un ultime coup de poing qui aboutit sur une agrafeuse renversée. La véhémence de ses propos monta d’un cran supplémentaire. C’était comme si les trompettes de Jericho s’étaient transformées en trompettes de Marcello pour lui annoncer un jugement Dernier d’une exceptionnelle rigueur.

Flanquez-moi ce bougre par la fenêtre que je voie jusqu’où il rebondit vociféra le patron, traitant le pauvre Marcello de méduse visqueuse, de crabe, de lézard, de larve rampante et autres termes composant le fameux répertoire des pires corps de garde qu’il m’est difficile de reproduire ici, ayant dû interrompre prématurément des études de blasphémologie.

Devant cette créature de Frankenstein au sommet de sa forme, Marcello émettait des bruits faisant songer à un buffle cherchant à se dégager d’un marécage. Il contemplait son patron d’un œil morne, comme un prisonnier dont le gardien vient de lui annoncer qu’il sera fusillé à l’aube.
J’ai suivi les indications du plan, réussit-il enfin à expulser avec l’élocution pâteuse d’un ivrogne de music-hall.

Ah ah ah, il a suivi les indications du plan ! Reprit le patron dans un rire creux et sans joie.
Il brandissait rageusement le document incriminé.

Cet imbécile a suivi les contours d’une tache de vin qu’il a faite sur le plan.

Le silence des diamants

On aurait pu croire que la petite dormait paisiblement mais sa tête faisait un angle mortel avec le reste de son corps.

Elle portait une robe de mariée.

Ses pieds disparaissaient au fonds de chaussures à talons aiguille et le renard bleu autour de son cou était plus grand qu’elle.

Eglantine, rieuse et curieuse, adorait se déguiser avec les vêtements trouvés au grenier.

-- Je vous le jure, commissaire, gémit la gouvernante. J’ai trouvé la petite exactement dans cette position, à côté de ce coffret que je n’avais jamais vu auparavant.

-- Que me contez-vous là ? bougonna le commissaire.

Il ruisselait de transpiration sans que l’on sache s’il devait son état à l’océan de perplexité dans lequel il était plongé ou à la chaleur suffocante des combles.

Le coffret avait été ouvert au moyen d’une petite clé en or. Sans doute par l’enfant.

Il ne contenait qu’un billet crasseux sur lequel était écrit à la plume d’oie dans une encre délavée par le temps « Malheur à qui libérera la rivière ».

Personne n’a jamais résolu cette énigme.

Le médecin légiste qui réalisa l’autopsie disparut du jour au lendemain.

Peut-être à cause de la rivière de diamants qui coula de la main d’Eglantine lorsqu’il ouvrit son petit poing serré.

Mais il est le seul à le savoir…

Petite esquisse de l'enfer

Ecriture ludique nous propose cette fois une liste de mots.Sur les 25 mots, il est demandé d'en utiliser au moins 15 pour construire son texte.
Assassin - Crime - Viol - Défoncer - Lacérer - Immoler - Dévastation - Poignard - Napalm - Hémoglobine - Tripes - Eventration - Egorger - Piétiner - Scalp - Génocide - Massacre - Baisers - Caresse - Tendresse - Caliner - Etreinte - Enlacer - Jouir - Symbiose



Ce lieu était le pandémonium de toutes les abjections de ce pauvre monde, et je me mis à regretter de n’avoir pas mené une vie plus vertueuse.

J’en avais la certitude : personne ne pouvait ressortir intact d’un tel endroit !

Il y avait ici plusieurs centaines de personnes. Peut-être s’agissait-il d’êtres virtuels ou de monstres de cauchemars. Je ne sais. Tout ce que les films d’horreurs et les contes destinés à faire peur aux enfants avaient pu imaginer depuis la nuit des temps était rassemblé ici.
Je me trouvais dans un condensé de l’imagination délirante des écrivains les plus dévoyés. Archimède, lui-même, n’aurait pas eurêké ça !

Pour des raisons trop longues à décrire, mais qui paraissaient tellement évidentes en cet instant, chacune des personnes présentes semblait disposer d’une dose de péché originel au moins quatre fois plus grande que n’importe quel criminel ici bas. Tous les assassins et amateurs de crimes, de viols, de génocides et de massacres se trouvaient rassemblés ici.

Une forte odeur de viande cuite attira mon attention. Mon sang ne fit qu'un tour et je fus littéralement cloué par l'horreur en apercevant un supplicié. Sa figure était verte, ses paupières violettes sur des yeux d'un bleu clair et froid. Des boutons entouraient sa bouche; des bras extraordinairement maigres, des bras de squelette, nus jusqu'aux coudes, sortaient de manches en haillons, tremblaient de fièvre, et ses cuisses décharnées grelottaient dans des bottes trop larges.

Le laisser vivre paraissait être la pire des punitions. Un groupe de gnomes dont la méchanceté rivalisait avec la laideur, s’amusaient à le torturer avec quelques compagnons de douleurs. Il y avait là une collection de corps rissolés sur des brasiers, de crânes décalottés avec des sabres, trépanés avec des clous, entaillés avec des scies et d’intestins dévidés. Les ongles du supplicié furent lentement arrachés avec des tenailles, ses belles prunelles bleu furent crevées et ses paupières violettes retournées avec des pointes. Ses membres disloqués furent cassés avec soin, les os mis à nu et longuement raclés avec des poignards.

Ici, on défonçait, lacérait, immolait, égorgeait, piétinait, éventrait. Tout n’était que dévastation. Le sol était jonché de tripes et de scalps baignant dans l’hémoglobine.

Les cris du malheureux étaient couverts par les chants des follets qui dansaient une ronde joyeuse autour de cette boucherie infernale, en s’enlaçant, se câlinant et se faisant des caresses avec beaucoup de tendresse.

J’étais en enfer ! Vous entendez ? J’étais en enfer.

Il y a quelque chose de terrible en moi

─ Il y a quelque chose de terrible en moi, Paul.

─ Arrête de te lamenter, je te prie. On a tous quelque chose de terrible en soi, et on ne s’en porte pas plus mal. Bien au contraire.

─ J’ai l’impression que mes rêves ne m’appartiennent plus.

─ Tu es classé catégorie « Moréno » par les assureurs. Tu ne peux pas espérer mieux. Tu bénéficies de la réduction maximale par rapport au tarif de base. Il n’y a que le Conseil Suprême qui puisse prétendre à la gratuité. Tu le sais bien.

─ Je sais tout cela, Paul, mais je ne m’appartiens plus. Il n’y a rien de moi qu’ils ne sachent dans l’instant. Ils reçoivent un térabit d’informations à la seconde. Ils savent où je suis, ce que je fais, mon état de santé, mon poids au milligramme près. C’est insupportable.

─ D’accord, mais tu bénéficies d’une sécurité totale. Tout le monde est conditionné et télécommandé, aujourd’hui. C’est le prix de la liberté.

─ Tu m’amuses avec ta liberté. Si, au moins, je savais où elle se trouve.

─ Quoi ? La liberté ?

─ Non ! Cette puce. Tu le fais exprès ou quoi ?

─ N’essaie pas de l’ôter, malheureux ! Ils la feraient immédiatement exploser.

La fragrance des mots

Les circonstances qui m’ont amené à faire la connaissance d’un gorille dans un compartiment de train en partance pour le lac Baïkal me paraissent suffisamment surprenantes, et correspondre extraordinairement au thème de cette semaine, pour qu’on puisse les relater ici sans crainte d’importuner le lecteur.

J’étais recroquevillé sur mon siège et me trouvais dans un état plus ou moins comparable à celui d’un python après son repas de midi, lorsqu’il entra et s’assit sur la banquette en face de moi.

Quand je compare ce moujik à un gorille, vous pensez sans doute à un gorille de taille normale, pas au paquet super-économique qui occupait deux places et dont le bonnet touchait le filet à bagages.

Il me paraissait bien évident que tout m’opposait à cette créature et que je ne pouvais avoir la moindre pensée en commun avec cet homme des neiges surgi des profondeurs de la steppe.

Je me tassai encore davantage dans mon coin tout en le surveillant discrètement. Il m’était impossible de le regarder en face car il avait, au-dessus d’une moustache qui dissimulait la moitié de son visage, cette sorte de regard capable d’ouvrir une huître à vingt mètres.

C’est alors que les haut-parleurs du compartiment diffusèrent un message dans un français parfait : « Connaissez-vous la fragrance des mots ? »

Quelle ne fut pas ma surprise en réalisant qu’il n’y avait aucun haut-parleur dans le compartiment et que cette question m’était personnellement adressée par le Yéti lui-même !

Saviez-vous, Monsieur, que les mots ont une odeur ? Me dit-il en posant sa valise sur ses genoux et en commençant à en extraire un assortiment de nourritures accompagné d’une bouteille de vodka.

Certainement ! Répondis-je après avoir repris mes esprits. Tout récemment, à la suite d’un repas trop riche, je peux vous assurer que mes maux savaient se faire sentir et …

Non ! Je vous arrête. Je veux parler des mots, M-O-T-S. Ces phonèmes que l’on trouve en plus ou moins grands nombres dans les dictionnaires que nos amis Robert et Larousse s’amusent à collectionner…

Ahhh ! Les mots. Oui, bien sûr ! Non. Pensez donc. C’est une plaisanterie. Si les mots avaient une odeur, cela se saurait depuis longtemps. Peut-être, à la rigueur, veut-on parler de cette mémoire olfactive qui nous fait associer une odeur avec le souvenir d’un bon plat. Ou alors, me parlez-vous de ces gens qui font valoir leurs arguments au moyen d’une haleine pestilentielle agrémentée d’une pluie de postillons.

Détrompez-vous, Monsieur. J’ai connu un arpenteur qui, lui-même, avait rencontré un vieil homme dont la boutique était pleine de meubles à tiroirs qui recélaient chacun un mot à l’odeur caractéristique.

Et vous avez cru une chose pareille ? M’étonnai-je. Sans doute à tort. Car, après tout, dans un pays où un gorille parlant français peut apparaître inopinément dans votre compartiment, il doit être possible que des vieillards aient des meubles à tiroirs au fond de leur boutique obscure avec des mots dedans.

Le moujik argumentait à n’en plus finir tout en dévorant le contenu de sa valise. Il mâchait et parlait à la fois, si bien que ses bacchantes semblaient un appareil perfectionné pour transformer les victuailles en considérations sur la fragrance des mots, ne s’interrompant que pour aspirer de longues rasades de vodka.

Je reçus en plein visage l’odeur des champs de seigle, l’odeur divine et russe de l’alcool non digéré. Je venais de comprendre l’odeur du mot vodka.

A cet instant, un contrôleur ouvrit la porte de notre compartiment.

Après une légère hésitation, il eut tôt fait de comprendre qu’il ne pourrait séjourner à l’intérieur sans s’exposer rapidement à un malaise et poursuivit ses contrôles plus loin.

L'abbé, la belle et la bête

Il était une fois, une belle poupée,
Qui était amoureuse d’un très très vieux curé.

Alors qu’ils jouaient, l’abbé dit à la belle
Que sa balle était pleine de sa tendre prunelle.

Mais non, l’abbé, c’est d’air, lui répondit Elise.
Mais quel abécédaire ? S’étonna l’homme d’Eglise.

Alors, l’enfant invita sous son toit le kiwi
Pour qu’il perce l’enveloppe de l’objet mystérieux.

Sans retard, l’oiseau fit ce qu’elle avait dit
Et il s’en échappa l’azur de ses beaux yeux.

Elle fut aveugle le lendemain,
Et l’abbé mourut de chagrin.

lundi, janvier 14, 2008

La vierge folle

Pour cet exercice proposé par darkia, le principe est d'utiliser un minimum de 10 mots (idéalement tous) parmi les 15 suivants, pour rédiger un texte.
Atypique, dommage, mort, pieu, sang, simple, mains, sentiments, recherche, attente, liqueur, corsage, assaillir, clan et pathétique.



Pathétique histoire et peu atypique, que celle de cette vierge qui voulut tuer de ses mains le plus célèbre des vampires.

Après une laborieuse recherche et une longue attente, elle put assaillir le clan de Dracula.

On la retrouva avec le pieu de la mort planté dans son corsage. Le monstre, dénué de sentiments, buvait son sang comme une simple liqueur.

Dommage.

Le soir d'Halloween

Exercice d'écriture proposé par les Impromptus littéraires


Un coup de sonnette déchira l’air de mon vestibule juste au moment où le présentateur du journal télévisé informait le bon peuple des derniers discours d’un faiseur de beaux discours.
Au prix d’un effort surhumain, je me levai avec toute la dignité qu’il est possible de conserver lorsqu’on essaie de s’extraire de ce putain de fauteuil à bascule qui m’a été offert le jour de l’élection présidentielle.

Qui osait déchirer l’air de mon vestibule à une heure pareille ?

Chaussé de mes lunettes fabriquées à base de pots de yaourts et de branchages, ainsi que des pantoufles marsupilamis offertes par mon dernier petit fils, je me dirigeai vers la porte lorsqu’un bruit atroce en fendilla le chambranle qui laissa tomber une question fermée sur le carrelage avec un bruit mou « Des bonbons ou un sort ?»

La voix qui l’avait lâchée ressemblait à celle d’un cadavre parlant du fond de son tombeau. Une voix à peine humaine. Ce n’était pas comme une voix et pourtant c’était une voix.
J’avais entendu parler dans une série télévisée de l’armée du Nécromant, une horde de morts vivants qui sortait des cimetières pour attaquer la ville.

Je n’allais pas me laisser faire.

Je saisis le fusil de chasse suspendu au porte manteau, un très beau fusil juxtaposé de type Lefaucheux calibre 16 à broche, réalisé dans la seconde moitié du 19ème siècle par un artisan stéphanois ; arme de haute qualité ; beau bois en noyer, crosse anglaise quadrillée, platines et bascule nickelées et ciselées. Un cadeau de Léone.

Et j’ouvris la porte en grand.

La pluie d’orage et une énorme bourrasque de vent chargée de feuilles déjà mortes s’engouffrèrent dans mon vestibule au bord de la crise cardiaque.

Au même instant, une voiture passa en trombe et souleva une gerbe d’eau sale qui aspergea l’ensemble de mes cadeaux.

Personne. Il n’y avait personne !

Il n’y avait que cette rue, toujours la même, longée de murs gris culottés par les siècles, derrière lesquels croupissaient de vieux bâtiments compliqués, luisant de crasse et enchevêtrés les uns dans les autres à force de POS et de PLU successifs.

La situation était de celles où l’on a plus qu’à joindre les mains, lorsqu’elles ne sont pas encombrées par un fusil, lever un regard muet vers le ciel, et recommencer une nouvelle vie en essayant d’oublier.

Lorsque je refermai la porte et me retournai, mon cœur cessa de battre et une indicible explosion de stupeur me secoua de la semelle des marsupilamis jusqu’à la pointe des cheveux.

Mes lunettes en carton chutèrent sur deux gnomes encapuchonnés aux têtes de citrouille.

─ On donne c’qu’on veut, m’sieur dit le plus petit et le plus laid des deux en brandissant un paquet de bonbons.

Le sourire de la Joconde

( Exercice d'écriture proposé par les Impromptus littéraires Contrainte : Le texte doit être rédigé à la première personne. La narratrice est la Joconde. )

Je suis la Joconde.

Donc, je souris toujours.

Normal. La Joconde sourit toujours. C’est un choix délibéré.

D’un éternel sourire. D’un pâle et doux sourire. D’un sourire en or massif lorsque je vois ce que je leur coûte. D’un sourire mystérieux et légèrement moqueur.

D’ailleurs, je vois bien que je suis une énigme pour eux. Ils tournent autour de moi sans cesse, discutent entre eux, se consultent à n’en plus finir.

Tous les jours, ils défilent devant moi. Ah, j’en ai vu des spécialistes examiner mes cheveux, mon teint, mes yeux et tout le reste. Ils ne comprennent pas.

Je suis leur sujet de conversation préféré.

Je ne leur dis rien. Je me contente de leur sourire.

Ils m’ont déjà auscultée et examinée sous toutes les coutures. Leur sans gêne ne connaît pas de limites.

Il n’y a que l’infirmier du soir qui m’apporte les sédatifs qui est vraiment gentil avec moi

Porte ouverte ou fermée ?

( Exercice d'écriture proposé cette semaine par les Impromptus littéraires Contrainte : Le thème est "Porte ouverte ou fermée" et doit inclure la phrase "Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée". )

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Paulo, m’a dit mon oncle Dan, en me donnant un billet de cinq cents euros, il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Suis bien mon conseil : Choisis toujours la porte ouverte. Je dois ma fortune à une porte ouverte.

Mes sourcils se levèrent jusqu’à déranger ma coiffure.

S’en étant aperçu, il s’installa dans un fauteuil, alluma un excellent cigare, et me narra cette invraisemblable histoire.

« Ce jour là, j’avais tout perdu au jeu. Au point de devoir emprunter une pièce de monnaie à mon voisin de table pour me rendre aux toilettes qui fonctionnaient avec un monnayeur.

Une porte était restée ouverte. Je fis donc l’économie de cette pièce. De retour, je la glissai dans une machine à sous et remportai le jackpot. Je fonçai immédiatement à la roulette et misai la totalité sur un numéro. Le soir même, j’étais millionnaire.

C’est vrai, j’ai dit que si mon bienfaiteur se manifestait, il aurait la moitié de ma fortune. D’ailleurs, un gars est venu me dire qu’il m’avait donné une pièce pour aller aux toilettes du casino.

Je lui ai répondu que ce n’était pas à lui que je pensais, mais à celui qui avait laissé la porte ouverte. »

Souvenir indélébile

( Exercice d'écriture proposé cette semaine par les Impromptus littéraires Contrainte : Le thème est "Dans la ville inconnue" et doit commencer par la phrase "Dès qu'elle fut partie, je fermais la porte à clé". )

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Dès qu’elle fut pa’tie, je fe’mais la po’te à clé et cou’ais au lavabo pour me nettoyer le visage.
J’eus beau f’otter, f’otter et encore f’otter, ce satané ci’age ne pa’tait pas. Je estais toujou’s aussi noi’.

Mon Dieu, que m’a’’ivait-il ?

Pas d’affolement.

Epassons le film à l’enve’s.

J’a’’ive à New-Yo’k, ville que je découv’ais pou’ la p’emiè fois. Plus p’écisément à Ha’lem. On m’avait p’évenu : Si tu tiens à ta peau, il ne faut pas que les gens de Ha’lem découv’ent que tu es blanc.

Je me passe donc le visage au ci’age noi’ et je pa’s bosser. Je suis ep’ésentant.
Je devais ester deux jou’s.

A mon hôtel, je demande à la éception de me éveiller à huit heu’. Je vais voi’ mon client et cou’s à l’aé’opo’t pou’ ent’er à Pa’is.

New-Yo’k, c’est infe’nal. On ne peut pas y ester t’ès longtemps.

A l’aé’opo’t, je demande où se t’ouvent les toilettes pou’ me nettoyer le visage. Le ci’age su’ la figu’e c’est pénible.

Et là, je f’otte, je f’otte et ien à fai’ : toujou’s aussi noi’. C’est te’’ible quand même !

J’y suis : La éceptioniste de l’hôtel a éveillé un aut’e client à ma place. Elle va avoi’ affai’ à moi !

Je me disais aussi : j’ai un d’ôle d’accent aujou’d’hui.

La page blanche

Ecriture ludique propose d'écrire un texte sur le thème de la page blanche :


Le vieillard était recroquevillé sur le tapis, extrêmement mort, avec une expression d’horreur, mêlée d’angoisse sur le visage.

─ Ca m’a tout l’air d’un suicide, commissaire.

─ Je n’en suis pas sûr, plus on avance dans la vie, plus on est mortel, inspecteur. Avez-vous bien relevé les empreintes ?

─ Le bureau était fermé de l’intérieur et les fenêtres également.

Le commissaire haussa les épaules. Son nouvel adjoint le désespérait. Depuis quand pouvait-on fermer une fenêtre de l’extérieur ?

─ Regardez plutôt cette feuille sur le bureau. Il donne certainement les explications de son geste.

─ La feuille est blanche, commissaire.

─ C’est bien ce que je disais. La vengeance d’un personnage de roman. Reste à trouver l’arme du crime.

─ La voici, commissaire, dit l’inspecteur Marfaux, en lui tendant un stylo à pompe.

Lettre à Lolo

(en réponse à un exercice d'écriture proposé par Paroles Plurielles. Thème : la jalousie et aucun "u" dans le texte !)

Ma chère Lolo,

Je sais : ton nom n’est pas Lolo, mais cet exercice est spécial. Je t’appellerai donc Lolo pendant cette poignée de secondes. J’ai mes raisons.

Ce n’est pas possible. C’en est trop : les exploits des américains m’énervent. Ils vont, parait-il, envoyer des navettes spatiales vers la planète Mars. Je me demande comment ils font.
J’ai donc décidé de lancer mon engin interplanétaire vers le soleil. Je me marre. Ils vont voir et n’en reviendront pas !

Je les entends d’ici. Ils vont rigoler et prétendre la chose impossible. Les rayons de l’étoile vont faire fondre les ailes de ton appareil, diront-ils.

Ils se trompent. Je ferai mon essai le soir. Le soleil disparait alors à l’horizon et les ténèbres refroidissent l’atmosphère.

Je t’embrasse, Lolo. Rappelle-toi bien de ma promesse. Je pars avec Dédale dès sa sortie des labyrinthes de l’administration.

Ton Icare bien aimé.

Pispaparla : un conte de Noël

Cette année, je n’avais absolument pas l’intention de vous dire un conte de Noël.
Non. L’ambiance n’y est pas : la politique, le réchauffement, les guerres, la fracture, les factures, la pollution, les radars, le prix du pain, les nouveaux instruments de surveillance, les fermetures d’usines, les délocalisations, les fusions-acquisitions, les sans abris, la visite de Khadafi et les récentes interdictions passées et à venir n’y mettent pas du leur.
Avouez-le : En ces temps de grandes incertitudes, TOUT s’oppose au conte de Noël !
Mais voilà : Les
impromptus littéraires me somment de vous écrire un conte merveilleux, drôle ou insolite où il serait question d’un sacré lutin et qui doit obligatoirement contenir la phrase « Mais où est-il donc passé ce sacré lutin ? »

La page de l’Oncle Dan n’étant faite que de merveilleuseries, drôleries et insoliteries, je vous propose sans plus tarder la terriiiible histoire de la sorcière PISPAPARLA, un conte de Noël pour internautes de 8 à 88 ans. Or, donc… Il était une fois…


oOo

La sorcière Pispaparla ne venait au village qu’une fois par an, au moment de Noël.
Tout le monde attendait impatiemment sa venue car elle n’avait pas son pareil pour raconter des histoires féeriques, le soir à la veillée.

Elle savait tenir son auditoire en haleine, étirait son récit jusqu’aux limites du point de rupture, et l’illustrait d’étranges phénomènes grâce à ses fabuleux pouvoirs magiques.

Ses contes et légendes emportaient les villageois sur des chemins de rêves peuplés de fées joyeuses qui piétinaient leurs soucis d’avenir, avant de les jeter brutalement dans de diaboliques terreurs dont ils ne pouvaient sortir que par une intervention chevaleresque ou divine.
L’auditoire frémissait comme un ventilateur électrique mais il ne pouvait pas le savoir, ce dernier n’ayant pas encore été inventé.

Le plus souvent, dénouement et dénuement se confondaient, laissant les héros pauvres comme Job avant l’invention de son papier à cigarettes. L’auditoire restait alors immobile et sans voix, un peu comme la poupée d’un ventriloque quand le ventriloque est parti boire à la taverne en l’abandonnant.

Durant cette nuit de Noël, un grand vent semblait balayer le monde.

Les hurlements de la tempête se jetaient sur la vieille chaumière d’Eulalie-Genièvre, qui servait de salle polyvalente, comme pour tenter de l’arracher de ses fondations et mettre un peu d’ambiance.

Les poutres du plafond grinçaient et gémissaient. Les bourrasques les plus violentes faisaient trembler les tables de sorte que les fiasques et les flasques tremblaient et s’entrechoquaient.
Avant même que Pispaparla ne commence son récit, les villageois éprouvaient déjà une peur confuse et se serraient les uns contre les autres dans une odeur de porcherie surmenée, une odeur à couper au couteau mais qui ne chavire que les internautes comme nous qui ne sommes pas habitués à vivre au moyen âge.

Les flammes, dans la cheminée, dessinaient sur l’inquiétant visage de la sorcière des ombres démoniaques. Ses yeux rouges phosphoraient et ses cheveux jaunes se tenaient droit sur sa tête comme les plumes d’une poule effarouchée.

Elle commença alors le récit du renard bleu, de la rivière emprisonnée, de la clé d’or et de la petite fille aux yeux fermés : Un conte très alambiqué où se croisent une importante quantité de gnomes, de trolls, d’elfes et de lutins. Une histoire tirée du premier volume des grimoires intitulés Coïtus Impromptus, entièrement calligraphiés en latin par les moines défroqués de l’abbaye de Westminblog.

Lorsqu’elle parlait du renard bleu, son écharpe se mouvait étrangement et ressemblait à un goupil apprivoisé. Dès qu’elle évoquait la rivière emprisonnée, la pluie redoublait de violence et cognait avec une rage frénétique contre les fenêtres de la vieille chaumière.

Un instant, une clé d’or brilla dans la main aux doigts crochus de Pispaparla.

Mais point de lutin ! Elle ne trouva pas le lutin qui avait endormi la petite fille.

Sans ce sacré lutin, la petite fille ne fermerait pas les yeux et le conte ne se terminerait jamais.

Elle chercha vainement dans les poches de sa houppelande, retourna sa musette. Les villageois se mirent à chercher aussi. La chaumière fut entièrement mise à sac au grand dam d’Eulalie-Genièvre. On fouilla même la boite de Pandore. En vain.

A ce moment, un volet fut arraché et tomba à terre.

La panique traversa le regard de Pispaparla. Elle aurait accepté avec joie la tâche de terrasser un dragon aux narines incandescentes, mais il n’y avait plus la moindre chance pour qu’elle retrouve cet imbécile de lutin fugueur.

Alors, Barthélémy-Bartholomé, dit Gros Babar, un bûcheron sanguinaire à qui on ne la faisait pas, et qui ne se séparait jamais de sa hache, déplia ses deux mètres de muscles et gronda avec une colère rentrée : « Dis, Pispaparla, il serait temps de finir ton histoire ! Mais où est-il donc passé ce sacré lutin ? »

Certains prétendent que le vrai nom de la sorcière Pispaparla est Ermeline et qu’elle ne s’appelle Pispaparla que depuis ce jour-là.

La belle et le mur

Exercice d'écriture proposé par Papier Libre
Etant donné un mur, que se passe-t-il derrière ? (Jean Tardieu)


Choisissez de préférence une nuit sans lune. Ne tentez pas l’expédition à dix ou quinze mais à deux ou trois, tout au plus. Choisissez de bons potes en qui vous avez toute confiance.

Attendez l’extinction des feux et que le pion ait quitté le dortoir. Si vous connaissez ses habitudes, c’est encore mieux.

Laissez passer quelques minutes et quittez le dortoir en veillant particulièrement à ce que la grande porte ne grince pas. Une goutte d’huile déposée discrètement la veille constitue une bonne préparation.

Descendez le grand escalier monumental jusqu’au premier étage et parcourez les cinquante mètres du couloir vert le plus rapidement possible en faisant attention à ce que personne ne puisse vous apercevoir de l’extérieur par les grandes fenêtres qui donnent sur la cour d’honneur.

A l’autre extrémité du couloir, vous atteignez le rez-de-chaussée par les escaliers de l’aile gauche du bâtiment. A ce stade, je vous conseille une pause pour souffler et calmer les battements de votre cœur. Un renfoncement sous les marches de l’escalier s’y prête parfaitement.

Passez devant les casiers à baskets. Vous voilà au seuil de la cour des moyens. C’est là que les choses se compliquent.

Surveillez qu’il ne reste pas un insomniaque en promenade digestive ou en lecture de bréviaire. Tendez l’oreille et soyez attentif au moindre bruit. La soutane noire se confond très facilement avec la nuit.

Longez le mur des douches et des ateliers d’activités manuelles. C’est un passage délicat, à découvert. Ne trainez pas. Une fois le préau des moyens atteint, profitez de son couvert et longez les tinettes. Passez devant la questure et poursuivez de la même manière dans la cour des minots.

Les risques diminuent lorsque vous atteignez le parc et ses buissons salvateurs. Toutefois, restez vigilant et ne relâchez pas la garde. On a déjà eu à connaître de lectures de bréviaires très tardives dans la nuit et dans les allées du parc.

Longez le mur d’enceinte jusqu’aux ateliers du menuisier du collège. Prenez l’allée qui mène à la piscine. C’est un endroit peu fréquenté et pour ainsi dire sans risque. Longez la piscine en faisant attention de ne pas tomber dans l’eau. A ce stade, ça serait vraiment trop bête.

Vous êtes quasiment arrivé. A l’autre extrémité de la piscine une porte en bois s’ouvre facilement sur une allée qui mène à une autre porte qu’il faudra escalader à la courte échelle. Le plus grand passe le dernier.

Vous êtes de l’autre côté du mur. Dans la rue. Vous êtes libres. A vous les cinés, les cafés et les p’tites pépées.

Attention : le mur est punissable de renvoi temporaire ; ou définitif en cas de récidive.

Cher petit papa Noël

Les impromptus littéraires nous ont proposé la lettre de Noël comme thème d'exercice.


Cher petit papa Noël,

Je suis très inquier. J’ai entendu a la télé que tu faisais du 5800 kilomètres a la seconde.

Ca décoife. Les cornes des rennes doivent siffler dans le vent et tous les cadeaux que je t’ai commandé vont s’envolé. L’année dernière tu as perdu la moitié de ce que j’avè commandé. Ou alors c’est que t’as pas reçu mon maille. C’est pour ça que j’écri une lettre sept année.
C’est le vélo qui m’a manqué le plus car j’ai du allée à l’école à pinces parsse que j’avais déjà acheter mes pinces a vélo.

J’ai bien travailler quand meme. Le professeur est content de moi. Surtou en orto. Alors, si tu pouvais m’apporter le reste de la liste, ça m’orangerai.

Fais attention aux radars. Ils en on mi plein sur la route qui mène a notre maison. A cause de ça, papa a du retourner lui aussi a l’école. Apporte lui du ouiski. Papa aime bien ça. J’espère que tu a beaucoup de points sur ton carnet. Si tu veux, je peux tant donner.

Quand t’arrivera, je te conseille pas la cheminée qui na pas été ramoner par ce con fait des économies d’énergie pour la planette. Et surtout enlève ton manteau rouge car papa a mis Hannibaal dans le jardin. Il est très nerveux. Tu peux demander au petit chaperon rouge qui apporte le lait a ma grand mère.

Cette année, on a pas de sapin parce que le garde chass n’a pas laisser faire papa quand il est allé le couper dans la forêt. C’est pas grave. Papa a dit qu’il avait déjà assez les boules comme sa.
T’auras qu’a mettre mes cadeaux près des chaussures vertes. C’est pas les miennes mais les chaussures de cloune de tonton. Elles sont plus grandes.

Je t’embrasse bien for. Ne prend pas froid car on a plus d’anti biotique. Maintenant, c’est interdit.

Fulbert-Paterne

Divagations

Exercice proposé par les impromptus littéraires
Entière liberté pour rédiger un texte, divaguer comme bon vous semble. Mais, mais !!! Ah oui, sinon ce ne serait pas drôle !! Nous souhaitons trouver dans vos lignes (dans l'ordre ou le désordre) ceci :- un lézard grincheux, - des gouttes d'encre violette, et un igloo sous la neige.



Ma chère Adélie,

On ne retrouvera sans doute de cette lettre que quelques gouttes d’encre violette gelées sur la banquise car je l’écris dans un igloo sous la neige. Malgré tes recommandations, j’ai quitté le soleil et la paresse pour le froid et l’aventure. J’étais un lézard grincheux et je vais peut-être mourir de froid après des mois d’efforts et de divagations. Ils n’auront pas été inutiles puisque je donne ton nom à cette terre gelée et aux manchots qui la peuplent.
César Dumont d’Urville, le 19 janvier 1840

L'homme qui marche

Mon premier exercice d'écriture de l'année 2008. Proposé par Les Impromptus Littéraires et dont le thème est "L'homme qui marche"...


Epuisé par un voyage de plusieurs jours sur des chemins escarpés et mal entretenus, j’étais heureux de pouvoir faire étape au château du comte Dragmzk.

Je l’avais rencontré par hasard, alors qu’il venait de faire une mauvaise chute de cheval qui lui avait fait perdre pratiquement toutes les voyelles de son nom. Je tenais à l’époque une officine, et dans ces cas-là, c’est toujours là qu’on sonne.

Le château du comte Dragmzk était particulièrement lugubre. Perdu au fin fond du temps, il fallait traverser une terrifiante et fabuleuse forêt pour le trouver enfin au milieu de marécages nauséeux desquels émergeaient, ça et là, quelques pierres tombales oubliées des dieux.

Après un frugal repas devant une gigantesque cheminée qui dégorgeait plus de vent et de fumée que de chaleur, un gnome bossu et unijambiste me conduisit à la lumière d’un chandelier et à travers un dédale de corridors et de galeries jusqu’à ma chambre aux dimensions de cathédrale. Elle était tapissée d’armures et de trophées de chasse qui semblaient me surveiller de leurs yeux morts.

De l’extérieur me parvenait le chuintement des arbres sépulcraux seulement interrompu par le hurlement caractéristique du loup affamé avant qu’il vienne vous déchiqueter les chairs et vous énucléer les orbites.

Je ne sais pourquoi, mais je ne parvenais pas à trouver le sommeil dans ce lit à cinq places et à baldaquin, qui, d’après la légende, avait déjà bercé les rêves de Barbe-Bleue et de quelques unes de ses femmes. J’essayais de rassembler mes esprits tout en surveillant les ombres mouvantes dessinées par les pâles clartés de la lune qui rendaient les objets vivants autour de moi.

Je n’ai pas honte d’avouer que je broyais déjà une quantité assez considérable de noir lorsque j’entendis un bruit de pas dans le couloir.

Mon cœur fit un bond spectaculaire comme seuls savent en bondir les plus grands danseurs de ballets russes. J’avais la gorge plus sèche que le désert de Gobi et je me mis à trembler et chair-de-pouler de tous mes membres.

Un homme marchait dans le couloir. Il semblait qu’il peinait et s’essoufflait. Il s’arrêtait par intermittences puis repartait en trainant la jambe. Le bruit de son pas s’éloignait et s’amplifiait de nouveau.

Un instant, il s’arrêta devant ma porte. Il s’agissait fort heureusement d’une porte massive renforcée de ferrures et munie d’énormes verrous que j’avais tirés avec soin comme me l’avait demandé Dragmzk. D’un air mystérieux, il m’avait d’ailleurs formellement interdit de quitter ma chambre après onze heures et de pénétrer dans la tour carrée.

Alors que j’étais moi-même en état d’apnée depuis plusieurs minutes, me parvenait distinctement le bruit d’un soufflet de forge ou d’une locomotive à vapeur qui devait être la respiration asthmatique du monstre.

Une bulle d’épouvante remonta les sables mouvants de mon estomac et vint crever au fond de ma gorge. Bien que tous les poils de mon corps fussent au garde à vous, je me recroquevillais comme une plume qui prend feu sous mes draps qui prenaient des allures de linceul.

Je regrettais de ne pas avoir emporté avec moi un poison asiatique ou tout autre objet pouvant enrichir les pompes funèbres afin de mettre rapidement un terme à mes tourments.

Finalement, je ne sais si je me suis endormi ou évanoui.


Le lendemain, les yeux bouffis de mauvais sommeil et pochés de fatigue, je rapportai les faits au comte Dragmzk.

Il partit d’un rire indélébile - sans doute un rire de Chine - qui me fit l’effet du crissement de la craie sur un tableau noir.

Je vais vous présenter l’homme qui marche, dit-il enfin, lorsque le tableau fut entièrement recouvert.

« Igor, ici immédiatement » hurla-t-il d’une voix noire stabilotée de jaune.

Igor surgit dans l’instant et dans un bruit de locomotive essoufflée.

Il y avait dans son regard quelque chose de l’hyène, du tigre, du cochon, du cobra, de la sole frite et de la limace qui faisait songer à Jack l’Eventreur mettant au point les détails de son prochain crime.

Il tenait au bout d’une chaine un chien de couleur jaune, qui avait à peu près la taille d’un jeune éléphant. Sans doute un croisement entre la bête du Gévaudan et le chien des Baskerville.

Igor est chargé de la surveillance du château. Son compagnon se nourrit des voyageurs égarés qui se réfugient dans la tour carrée.

Je n’ai jamais revu le comte Dragmzk depuis ce jour-là.

Non, désolé...

Exercice d'écriture proposé par Les impromptus littéraires : le texte doit se terminer par "Il doit bien y avoir quelqu'un quelque part qui sait ça"


Non. Désolé pour mes fidèles lecteurs et charmantes lectrices. Il n’y aura pas de billet de l’oncle Dan sur ce thème des Impromptus.

Ce n’est pas faute d’avoir tout tenté.

J’ai supplié les muses de me souffler une idée, de guider ma main sur le papier ou le clavier (j’ai essayé les deux), mais rien.

Nada.

A se demander si les muses n’ont pas, elles aussi, pris des RTT.

Pourtant, toutes ces nuits, je tenais mon sujet et je parvenais à ciseler mes phrases jusqu’à ce qu’elles aient l’éclat du diamant. De quoi vous éblouir. Elles n’étaient composées que de mots ayant subi les tests les plus rigoureux, des mots qui vous auraient tiré, alternativement, des larmes d’émotion ou de rire. De vraies armes de distraction massive. Ah, vous en auriez mouillé des mouchoirs !

Et le matin, tout avait disparu. Toutes ces idées, pour la plupart frappées au coin du génie, avaient perdu quatre-vingt dix pour cent de leur pertinence.

Pas d’affolement, je me dis. T’as jusqu’à dimanche pour envoyer ta copie.

D’habitude, j’ai souvent une idée qui me vient quand j’enfile la première jambe de mon pantalon. Elle se précise à la seconde. Et quand je boutonne ma chemise, je tiens mon sujet. C’est comme ça que sont nés Dragmzk, Fulbert-Paterne, Viktor Ivan Nikitarovitch, Adelphe Ytlor et bien d’autres.

Mais, cette fois, pas la plus petite Ievguenia Alekssandrovna ni la moindre Pispaparla.

C’est tout de même incroyable ! Comment peut-on expliquer une chose pareille ?

Il doit bien y avoir quelqu'un quelque part qui sait ça !