lundi, septembre 14, 2009

L'heure la plus courte

C’était un dimanche. On sortait de boite. On était bourrés complets et on tirait à la courte paille celui qui allait prendre le volant. C’est Paul qu’avait tiré la paille la plus longue. Fallait qui s’y colle. René qui était le proprio de la caisse lui a lancé les clés.

Ben, vrai de vrai, René lui a lancé les clés à 2 heures et Paul les a attrapées à 3 heures. Bourré complet qu’il était.

Après, il a dit que c’était pas vrai ; qu’il n’avait bu que de l’eau ; qu’on était le dernier dimanche de mars et qu’on venait de passer à l’heure d’été.

Sur un banc

J’étais là, tranquille. Assis sur un banc.

Oui, c’est ça. J’étais assis sur un banc, dans un parc. Je ne me souviens plus du nom de ce parc, mais c’était un parc. Et j’ajouterai pour les inquiets, les soucieux, les tourmentés, les insatisfaits et les perfectionnistes que le nom du parc n’a absolument aucune importance pour la bonne compréhension de ce qui va suivre. Non, les causes de l’incompréhension seront beaucoup plus profondes. Croyez-moi sur parole. Mais, je n’en dis pas plus à ce stade (Je viens à peine de commencer) pour préserver le suspens de cette histoire qui, je l’avoue bien volontiers, est assez insoutenable. Le suspens, pas l’histoire.

Quoique.

Donc, j’étais là, assis tranquillement, en train de fumer, lorsque… Non, je ne fumais pas. Cette aventure (Car c’en est une. Hou ! La la, oui.), cette aventure, dis-je, m’est arrivée il y a un mois ou deux et voilà quinze ans que je ne fume plus. Donc, je ne fumais pas. C’est impossible. Des fois, je vous jure. Enfin, c’est ainsi et je n’y peux rien.

Où en étais-je ? Si vous cessiez de m’interrompre à tout moment, j’aurais plus de suite dans les idées. Ah, oui. Je ne fumais pas (évidemment), je lisais. Ou, plus exactement, je tenais un livre à la main. Non, ça, je ne lisais pas. C’est impossible. D’ailleurs je ne sais plus lire depuis quelques jours, mois, années. Enfin, depuis pas mal de temps. Je ne sais plus exactement. Et je me demande encore pourquoi je tenais ce putain de livre. Parce que pour un putain de livre, c’était vraiment un putain de livre. Incompréhensible. Enfin.

Donc, charmantes lectrices et lecteurs perspicaces, je pense qu’à présent, vous situez bien la scène, le banc, le parc, le (putain de) livre… Je vous ai brossé le décor, faute de mieux. Je continue.

Dans toute cette histoire, la seule chose absolument certaine (quand j’y repense), c’est que j’avais l’esprit ailleurs. La tête dans les étoiles, si vous préférez. Ce terme est plus approprié car je pensais précisément à ces astronautes que l’on entraîne actuellement en Russie et aux zussas pour voyager dans l’espace. Imaginez qu’on les entraîne pour vivre plusieurs années dans l’espace ! Si, si, il faudra plusieurs années pour aller sur Mars. Moi, j’y étais déjà.

Pour faire court – j’en vois qui baillent – mon cul était sur le banc mais ma tête était sur Mars. Et si quelqu’un me parle ici du champ de Mars, je le sors ! Faut suivre un minimum, car c’est là que l’inimaginable s’est produit. Tenez-vous bien.

Une personne est venue s’asseoir près de moi et m’a demandé qui j’étais.

Inouï. Je vous avais prévenu.

Evidemment, j’étais très absorbé. Contrairement aux apparences, j’étais très loin du banc. Je n’ai pas vu arriver cette personne. Elle m’a eu par surprise. Je ne sais pas non plus combien de fois elle m’a posé la question avant que je l’entende. J’étais vraiment très très loin. Toujours est-il qu’à un moment donné j’ai distinctement entendu « Qui êtes-vous ? ».

J’en vois plus d’un qui écarquille les yeux et n’en croit pas ses oreilles, mais je jure que je n’invente rien. Ca s’est passé exactement comme ça et je ne fais présentement que brandir la torche de la Vérité.

D’ailleurs, vous dire que cette personne, en me posant la dite question, me serra la main, serait demeurer bien en dessous de la Vérité. Il fit de ma main je ne sais quelle purée sanguinolente.
Bien qu’il fût un peu plié en zigzag sur le banc, je lui prêtai bien deux mètres avec les intérêts qui vont avec. Oui, certainement plus de deux mètres drapés dans une longue blouse blanche qui lui arrivait jusqu’aux pieds. Et encore, je ne suis pas sûr que vous appelleriez cela des pieds. On avait l’impression que la Nature avait eu l’intention de faire un gorille et avait changé d’avis au dernier moment.

Mais attention, en vous décrivant cette personne comme un gorille, vous allez peut-être penser à un gorille de taille normale. En fait, j’avais là, assis à côté de moi sur le banc, le modèle super-économique.

Il interrompit donc mes rêveries avec cette brutalité grossière qui est la caractéristique principale des gorilles humains.

Je dois également sacrifier sur l’autel de la Vérité que cette personne avait dans son regard un pouvoir hypnotique aux effets apaisants.

Je ne vous cacherai pas, en effet, que dans un premier temps (très bref) j’ai été pris d’une forte envie de lui faire passer la colonne vertébrale à travers son chapeau, mais j’ai senti dans son regard que mon tonnage était tout à fait insuffisant pour me permettre de le défier et que mes organes internes étaient susceptibles de se transformer rapidement en macédoine ou en hachis parmentier.

J’ai par conséquent décidé de lui répondre, d’autant plus que j’avais toute liberté pour lui répondre simplement ou philosophiquement. C’était au choix. J’ai immédiatement opté pour la simplicité et je lui ai dit « Qui êtes-vous vous-même ? ».

Il m’a dit qu’il était l’infirmier et qu’il me ramenait à l’asile.

Une contrée imaginaire

Monsieur Hyckss ne m’avait pas révélé son nom et m’avait affirmé au téléphone qu’il arriverait dans un instant.

Il me faut bien vous avouer que lorsque le l’ai vu me rejoindre dans son instant, c’était bien le premier instant que je voyais de ma vie. C’était un bel instant mais je ne saurais vous le décrire, et de toute façon il paraît qu’aucun instant ne ressemble à un autre.

Je l’ai vu me dire bonjour plus que je ne l’ai entendu. C’est qu’en effet, j’ai vu sortir de sa bouche la lettre B puis la lettre O, la N, la J ; encore une O, puis un U et enfin un R. Vous savez, c’était un peu comme ces personnes indélicates qui éternuent sans mettre leur visage dans leur coude. On voit des chiffres et des lettres qui partent dans tous les sens. Evidemment, on ne peut pas lire ce qu’ils disent puisque c’est un éternuement mais bien classés cela donnerait certainement le son de l’éternuement. Toujours est-il que j’ai distinctement vu le bonjour de Monsieur Hyckss. Les lettres sont sorties de sa bouche, bien rangées dans le bon ordre.

Ensuite, ça s’est un peu compliqué quand il a poursuivi : Je vous avais dit que j’arriverais dnas un itnasnt et vuos vyeoz cmome cet inatsnt est baeu, mias j’en canghe tout le tpems parce qu’il fuat pirofter de caqhue intsnat.

C’était de ma faute. J’avais soufflé la fumée de ma cigarette et les lettres étaient si légères qu’elles s’étaient un peu mélangées.

J’aurais bien aimé toucher son instant mais il avait disparu. On était déjà à l’instant d’après.