lundi, janvier 09, 2023

Un Noël pas comme les autres

 Pour un Noël pas comme les autres, ce fut véritablement un Noël pas comme les autres. Je vous écris cette nouvelle depuis ma cellule, car je dois bien vous avouer tout de suite que les choses ne se sont pas passées comme prévu.


Pourtant, je pensais bien avoir tout prévu. Et bien, non, il reste toujours une part d’imprévisible, d’impondérable, d’inattendu, et je dirais même plus, d’imprévoyable.


Pour vous la faire courte, j’avais décidé d’éliminer ma femme qui me trompait depuis près d’un siècle (on trouve toujours le temps long dans ces cas-là) avec cet imbécile de Max. Un individu quelconque, inintéressant, de taille moyenne, d’un âge moyen, avec une silhouette oubliable sur une tête impossible à retenir. Avec ma femme, ils ne se cachaient presque plus et je devenais la risée du quartier et de ses environs.


Cette décision — je veux parler naturellement de ma ferme résolution de l’amener au tombeau — je l’ai réalisée le jour de Noël. Je l’ai tuée d’une seule balle entre les deux yeux. Quand elle m’a vu avec le pistolet à la main, elle m’a dit vouloir m’annoncer une grande nouvelle, m’avouer une chose qui me ferait plaisir. Tu parles ! Il y avait bien longtemps que je ne coupais plus dans ses mensonges et ses explications fumeuses. Je ne l’ai pas laissée dire un mot de plus.


D’ailleurs, j’avais tout prévu de longue date. Je n’avais pas utilisé mon pistolet déclaré à la gendarmerie pour mes exercices de tir, mais une arme non identifiable dont j’avais fait l’acquisition spécialement pour cela. Et j’avais tout combiné pour faire endosser la responsabilité par ce salaud de Max, qui ne serait plus une menace pour personne : la fenêtre ouverte par laquelle il était censé s’être échappé, la trace de ses chaussures dans la terre humide, le mégot de ses cigarettes préférées dans le cendrier de la chambre, quelques empreintes digitales que j’avais réussies à obtenir, tout, tout, je vous dis… 


Pour mon alibi, il me fallait un max…, pardon, un maximum de témoins. Les amis que j’avais invités pour le réveillon sont arrivés à l’heure dite et ont tous entendu dans la pièce à côté, alors que nous commencions à prendre l’apéritif, le coup de feu que j’avais enregistré à l’avance. Nous nous sommes précipités pour découvrir le corps inerte de ma femme et tous les indices que j’avais disséminés dans la pièce pour faire accuser cette ordure de Max.


Les ennuis ont commencé dès l’arrivée sur place de la police que nous avions naturellement appelée. Elle s’apprêtait d’ailleurs à venir me rendre visite car elle avait constaté le matin même le décès d’un certain Max, bien connu pour être l’amant de ma femme, tué par balle avec mon pistolet qu’elle avait immédiatement identifié.


Ma femme m’avait devancé de quelques heures. Sans doute était-ce la révélation qu’elle voulait me faire avant que je ne commette l’irréparable.

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