samedi, mars 18, 2023

Les randonneurs


Mon Dieu, que la montagne est belle ! Oui, monsieur, c’est bien moi que vous voyez sur cette toile. Je me suis fait peindre alors que j’admirais les beautés de la nature. J’ai un ami artiste très sportif. Malgré tout, cela n’a pas été commode pour lui de transporter son matériel de peinture et son chevalet attachés dans le dos. Moi, je me charge seulement du panier à pique-nique.


Lui et moi sommes des alpinistes décontractés. Pas de corde, pas de baudrier ni de piolet. Notre devise est « Ni crampons, ni pitons, ni mousquetons ». Une simple canne et nous voilà partis vers les sommets. Naturellement, nous préférons la nature et les paysages aux tableaux qui les représentent, de la même manière que nous préférons les fruits à la confiture. Mais j’ai souhaité immortaliser ce moment sublime de domination totale, cet instant où il vous est loisible de hurler votre haine des explorateurs, ou encore de votre patron, sans que ceux-ci ne vous entendent et ne vous en tiennent rigueur. Dans ces lieux de solitude, seul l’écho est en mesure de vous répondre.


Quand je suis là-haut, au sommet, sur la cime, le faîte, le pinacle, enfin quand je ne peux plus monter plus haut, alors c’est une ivresse, une véritable griserie. Je suis effrayé de mon insuffisance à vous décrire la sublimité des choses environnantes et je ne trouve rien dans ma boite à épithètes pour décrire justement cette nature enivrante de beauté.


En ces lieux où le vertige et le danger accompagnent chaque pas du voyageur, les beautés incomparables du site résonnent en vous et vous font vibrer. En ces lieux où chaque détours du chemin, chaque instant vous apporte une surprise, votre excitation est extrême. 


Nous quittons la plaine dès potron minet dans la senteur des fleurs printanières et sous un ciel généreusement pourvu d’étoiles. Puis le matin bleu efface doucement l’or des galaxies. Notre progression nous amène parfois au dessus d’une mer de nuages et nous pouvons admirer à nos pieds les mouvantes architectures que Dieu fait avec les vapeurs, les merveilleuses constructions de l’impalpable.


La journée s’écoule, lentement, dans la fascination permanente d’un spectacle qui ne se répète jamais. Nous nous restaurons d’un peu de foie gras accompagné de vin de Champagne, avant de reprendre la pause à la demande de l’artiste. Les cimes qui nous entourent et qui ferment l'horizon se teintent en permanence de couleurs changeantes nuancées de roses et de mauves avec le coucher du soleil.


Mais dans le lait des rêves, il tombe toujours une mouche. Je dois à la Vérité de dire que nous avons été verbalisés à plusieurs reprises durant nos escapades. Ce fut durant les périodes de confinement dues à la pandémie. D’abord, pour être trop éloignés de notre domicile, ensuite pour absence d’attestation de déplacement dérogatoire dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Enfin, ce fut pour non port du masque obligatoire. Les oiseaux en rient encore.



 

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