mercredi, mars 22, 2023

Jalousie

 

— Savais-tu que l’année dernière, grâce à l’inflation et la guerre en Ukraine, les entreprises du CAC 40 avaient fait des super-super-profits ? Les bénéfices de Engie ont grimpé de 62%, ceux de TotalEnergie, de 60%. L’envolée des cours du gaz et du pétrole a été très bénéfique pour eux.

—  Et moi, je paye tout plus cher et je dois me serrer la ceinture. C’est insupportable.

— Ne sois pas jaloux ! Les industries du luxe prospèrent comme jamais. Hermès, par exemple, a augmenté son chiffre d’affaires de près de 30 %.

— Ah ! Ce n’est pas la fin de l’abondance pour tout le monde !

— Ne sois donc pas toujours jaloux ! Et si je te disais que la remontée des taux d’intérêts est profitable aux banques…

— Quoi ? Les banquiers vont gagner encore plus ? Pourtant, on parle de faillites.

— Certaines ont fait de mauvais placements et leurs clients risquent d’en subir les conséquences, mais d’autres s’enrichissent encore davantage.

— Nous sommes donc toujours les perdants…

— Le système est comme ça. Ne sois pas jaloux, je te le répète. N’envie pas les pédégés qui gagnent quinze, vingt ou trente millions d’euros dans l’année. Ils te font vivre malgré le coût du travail que tu leur imposes.

— C’est mon travail qui les enrichit. Ils pourraient participer davantage qu’ils ne le font au financement des retraites, par exemple.

— Et voilà ! Ça recommence ! Toujours cette haine du riche qui se déplace en jet privé pour se réunir et décider de faire travailler davantage l’ouvrier. Quand est-ce que cela cessera ? Cette jalousie permanente de celui qui gagne.

— Il gagne le droit d’exploiter ses semblables. Voilà ce qu’il gagne ! Et tout cela avec la bénédiction de nos dirigeants qui se gardent bien de supprimer les paradis fiscaux.

— Nos dirigeants font leur possible pour notre bien à tous. Ils ne peuvent pas être partout à la fois, lutter contre la fraude et lutter contre les profiteurs d’aides sociales qui coûtent un pognon de dingue. Il y a des priorités dans la vie. 

— Ils pourraient au moins montrer l’exemple. On attend toujours la réforme de la retraite des sénateurs.

— Quoi ? Tu vas aussi reprocher aux sénateurs de toucher une retraite de plus de deux mille euros pour un mandat de six ans ? Mais c’est une maladie ! 

— Donc tout va bien ? Tout est normal ?

— Il y a bien quelques petites améliorations à apporter. Certes ! Les milliardaires aussi ont le droit de vouloir préserver leurs acquis. C’est humain. On peut le comprendre, face à la voracité d’un peuple qui brûle les poubelles dans les rues.

— C’est vrai. J’ai tendance à me méfier des gens qui veulent à tout prix s’occuper à ma place de ce qui est bien pour moi. Je devrais leur faire davantage confiance. Ils savent, eux. Ils ont fait de hautes études pour apprendre à se charger du bien-être des peuples, et on ne cesse de leur mettre des bâtons dans les roues.

— Tu deviens raisonnable. Tout va bien, rendors-toi. Je vais appeler le docteur pour qu’il te refasse une petite piqûre de 49.3. C’est très efficace.



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