vendredi, avril 14, 2023

La paresse de William

 

William Thacheray était un paresseux. Un vrai. À ne pas confondre avec le banal paresseux, assez hypocrite pour travailler juste ce qu’il faut pour masquer sa paresse. Non ! William Thackeraie n’avait même pas le courage d’écrire deux fois son nom avec la même orthographe. À quoi bon ? À quoi cela pouvait-il bien servir ? À rien. Il en était convaincu. Il était philosophe. Voilà le titre, le métier, la profession, la carte de visite qu’il s’était donné. Philosophe ! C’était tout dire. Cela dissimulait parfaitement son manque d’ambition et son refus de la lutte. Il disait que le travail était réservé aux hommes médiocres, l’intelligence permettant de s’en éloigner car il n’y avait rien à attendre du travail, ni gloire, ni argent, ni reconnaissance, ni consolation. Il n’était que le produit d’une société en effervescence qui l’avait érigé en valeur première avec sa monstrueuse excroissance, le dépassement de soi. En résumé, il se sentait beaucoup mieux en position horizontale.


Il pouvait lui arriver de lire, ce qui lui évitait de penser. C’est fatiguant de penser. Il faisait confiance aux autres, se laissait guider et adoptait sans discuter ce qu’on lui imposait sans prendre la peine de contrôler quoi que ce soit. Dans une certaine mesure, il était obéissant. L’obéissance n’est-elle pas en quelque sorte une forme canonisée de la paresse ? Dans un contexte où il était question de remettre la France au travail en reculant l’âge de départ à la retraite, il était d’accord avec les décisions gouvernementales, pour que l’on oblige les autres à travailler davantage, car la paresse des autres était une menace pour la sienne. Et puis, il ne se lassait jamais de regarder les autres travailler.


En fait, Thaqueray avait un fond méchant. Un cerveau plein de paresse n’est-il pas l’atelier du diable ? Il était méchant, mais personne ne le savait car un méchant paresseux reste le plus souvent inoffensif. La paresse dissuade de pousser la méchanceté trop loin. Il enviait les succès des autres et il attendait la chance, seul outil qui pouvait le sauver de sa paresse. Hélas, elle tardait à venir. Il l’appelait de tous ses voeux car il craignait une vieillesse misérable. Ne dit-on pas que la paresse chemine si lentement que la pauvreté la rattrape ? Jeunesse paresseuse, vieillesse pouilleuse ! Cette perspective le mettait dans un état d’inquiétude permanent.


Evidemment, il disait avoir toujours envie de faire quelque chose, mais ne faisait jamais rien. Il s’ennuyait, et l’ennui amène les ennuis, voilà ce qui lui fatiguait le cerveau. Perdre son temps est une occupation des plus fatigantes. L’ennui l’angoissait. L’ennui nuit, c’est une terrible maladie. Il ne pensait pas qu’il puisse être si cruel. 


L’ennui est le tombeau de tous les sentiments. Takerè existait sans vivre. Il s’ennuyait mortellement et il en mourut. 


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