Contribution à Littéméraire
Le thème : Je vous donne une série de phrases extraites d’une nouvelle publiée et vous les intégrez dans votre récit en commençant par la première et en terminant par la dernière.
Pour cet exercice, emmenez-nous dans un univers érotique. Faites monter l’excitation et n’épargnez aucun de nos sens.
1. Il a une langue extraordinaire, Arthur. Très longue et très pointue. Et elle est chaude et humide. Je peux vous dire que ça ne me fait pas la moitié d’un drôle d’effet.
2. J’ai le corsage plutôt bien rempli. C’est drôle ce côté grosse poitrine – les mecs semblent penser qu’ils peuvent vous dire n’importe quoi.
3. Quand l’idée m’est venue, j’ai senti cette excitation au bas de la colonne vertébrale – une sorte de picotement électrique.
4. C’est dommage vraiment – oui, tout ça c’est bien dommage.
-- Il a une langue extraordinaire, Arthur. Très longue et très pointue. Et elle est chaude et humide. Je peux vous dire que ça ne me fait pas la moitié d’un drôle d’effet.
Madame Wolff ne saurait cacher qu’elle est une enfant de la capitale du choux. Elle en porte les stigmates sur toutes les parties de son corps volumineux. Il ne manque rien. J’ai devant moi une choucroute complète avec toute sa garniture : les saucisses, les jambonneaux, le lard, ... beaucoup de lard. Il n’y a que le fumet qui ne correspond pas à ce plat régional. De toute évidence, madame Wolff ne vit pas dans la crainte de se charger l’estomac ou de se corrompre l’haleine, et doit éviter de se laver les dents et les pieds, de peur de les déchausser.
Comme toutes les choucroutes, on ne saurait lui donner d’âge. Pour sûr, elle n’est pas très vieille, mais elle n’est pas de la première fraîcheur non plus. Sa chevelure frisée, relevée en torsade sur le sommet de la tête dégage sans grâce une nuque grasse. Un observateur appliqué et imaginatif, qui ne se laisserait pas distraire par les canons éphémères de la mode, pourrait trouver dans cet édifice capillaire babylonien la marque d’une recherche esthétique. Son impression serait confortée par le trait de rouge à lèvres qui souligne la moustache de la bergère.
Madame Wolff vient me voir régulièrement pour des séances de psychanalyse au grand dam de mon sens olfactif. J’écourte les séances autant qu’il est possible et les lui fais payer très chères. C’est qu’à ma connaissance, le langage humain ne possède pas d’épithètes assez vigoureux pour vous décrire la situation. Pour vous faire une idée de l’odeur qui investit mon cabinet en même temps que madame Wolff, il vous faudrait passer une semaine dans un égout, ce qui m’épargnerait une bien oiseuse et approximative description. Cette odeur m’envahit et me rend sourd. Je n’entends pas la moitié de ce qu’elle me dit.
-- J’ai le corsage plutôt bien rempli. C’est drôle ce côté grosse poitrine – les mecs semblent penser qu’ils peuvent vous dire n’importe quoi.
La vie de madame Wolff n’est qu’une forêt de gaffes. Pas étonnant que les mecs lui disent n’importe quoi. J’ai beaucoup de mérite de l’entendre réciter l’encyclopédie de ses malheurs et vicissitudes.
Tant que madame Wolff ne s’appelait pas madame Wolff, ça n’allait pas encore trop mal pour elle. Elle évoluait dans de chaudes moiteurs campagnardes et le soir, après le dur labeur des champs, de longues effluves musquées montaient des profondeurs de son corsage, dans lequel transpirait son corps sage, trop sage. Chaque fois que de languissant soupirs soulevaient son énorme poitrine (fumée), il se dégageait du sillon de ses mamelles sudoripares une senteur enivrante, qui la suivait dans ses déplacements, comme l’écume poursuit le navire.
Sa rencontre avec Monsieur Wolff marqua le début de son naufrage. Tant que l’animal se trouvait contre le vent, il ne prêta pas attention à la mamelue, mais un jour, par un brusque retour de brise qui lui décapa les sinus, il aperçut les protubérances mammaires et cela lui rappela sa mère. Un homme ne recherche t’il pas une mère en toute femme ? En rencontrant cet imposant rouleau de printemps, il sentit que sa destinée allait sortir de l’hiver, qu’il allait enfin connaître les authentique fragrances de l’humanité, les féroces odeurs de grasses vaisselles et d’aisselles grasses.
J’ai immédiatement compris, dès le début des séances, que cette femme de caractère, avec le poids de ses arguments mamillaires, n’avait pu débusquer qu’un fauve. Attiré par l’haleine de la brebis, l’“ homo lupus ” était sorti du bois. La bête du Gévaudan existe, elle s’appelle Arthur. Un jour qu’il vit la plantureuse fille s’approcher de lui, avec son corset trop serré qui rejetait jusque dans son double menton la masse fluctuante de sa poitrine surabondante, Arthur, qui avait hiberné fort longtemps, se dit que cette fille là pourrait faire une confortable moitié. Il se jura qu’elle n’appartiendrait jamais à un autre homme qu’à lui-même et qu’elle s’appellerait un jour Madame Wolff. Quand elle lui fit les honneurs de son corps et lui dévoila son hangar à fourrage, il n’hésita pas un instant à tomber son grand froc et à hisser son grand foc.
Puis les choses se compliquèrent. Elle voulut l’attacher sur le lit. En soufflant une haleine fétide que j’ai du mal à esquiver, elle précise, elle détaille, .elle souligne.
-- Quand l’idée m’est venue, j’ai senti cette excitation au bas de la colonne vertébrale – une sorte de picotement électrique.
La proximité permanente d’une choucroute nymphomane a probablement perturbé l’entendement d’Arthur et son rythme de travail. A vouloir trop entreprendre en même temps et sans trier sa clientèle, il a épuisé son crédit. C’est bien connu : les exploitants sont exploités. Sept longues années de liquidation judiciaire ont alors commencé.
-- C’est dommage vraiment – oui, tout ça c’est bien dommage.
Madame Wolf fait partie de ces gens dont il faudrait pouvoir éviter le contact. Vous ne pouvez rien pour elles. Elle est venue exposer ses problèmes. Ses problèmes sans solution. Toute esquisse de solution ne peut que débusquer un autre problème, un empêchement, une complication, un obstacle. Madame Wolff est l’incarnation de la contrariété, de l’objection et de l’embarras. Elle collectionne les pépins, les os et les épines comme d’autres, les timbres ou les épinglettes. Sa vie n’est qu’une erreur, et tout ce qu’elle a pu faire ou apprendre n’a pas fait progresser son bonheur d’un pouce. Elle se noie, se débat dans l’eau et se met à crier :
-- Help ! Help ! Help me ! Help me !
J’ai envie de lui dire qu’au lieu d’apprendre l’anglais, elle aurait mieux fait d’apprendre à nager.
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1 commentaire:
L'eau va finir par chasser l'odeur.
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