14ème contribution à Paroles plurielles
La consigne 33 : Phrase finale : "C'est décidé, elle vivra centenaire".
─ Professeur, nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous à Buenos Aires pour ouvrir cette nouvelle série d’émissions sur le futur. Nous l’avons baptisée Définition d’une frontière entre l’humain et l’androïde.
─ Je vous sais gré de l’honneur que vous me faites. Il y a tant à dire sur les nouvelles perspectives de la programmation prénatale.
─ Professeur, vous nous avez affirmé que désormais, tous les nouveaux-nés seraient identifiés au moyen de puces électroniques sous-cutanées. Nos téléspectateurs s’inquiètent. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
─ Certainement, il s’agit d’un suivi de chaque individu par radiofréquence dont la fiabilité a déjà été prouvée chez nos amis les animaux et dont l’intérêt va bien au delà des impératifs sanitaires et sécuritaires.
J’ajoute que les implants électroniques ou transpondeurs sous-cutanés sont parfaitement indolores, ne risquent pas de casser, de s’abîmer ni de s’estomper, que l’enregistrement des données est instantané et qu’ils ne connaissent pas d’erreur de transcription. Au demeurant, les individus ignoreront l’emplacement de leur détecteur électronique.
─ Mais cela ne présente-t-il pas des risques en termes de traçabilité et d’atteintes potentielles à la vie privée ?
─ Rendez-vous compte, vous disposez là d’une identification électronique qui permet de situer à chaque instant l’individu, de contrôler les passages aux frontières, de lutter contre la fraude et d’assurer une traçabilité alimentaire et sanitaire ! Que demander de plus ?
─ Oui, mais tout de même…
─ Au demeurant, ces puces électroniques peuvent avoir de multiples utilisations pour le suivi de l’état de santé des individus, la gestion de leur traitement, la transmission automatique d’informations sur leur poids, leurs habitudes alimentaires, leur fréquence urinaire, défécatoire, sexuelle… elles comportent un détecteur électronique de coït, de fumée, d’odeurs, de transpiration, d’impulsions nerveuses, de mensonge… et peuvent conditionner leur durée de vie.
─ C’est tout à fait impressionnant, Professeur. A présent, passons, si vous le voulez bien, aux exercices pratiques : quel âge pour le spécimen que l’on aperçoit à l’image ?
─ Vous voulez parler de cet amas de peaux de bêtes haut de trois pieds et demi d’où sortent de petites mains maigres, sèches et noires comme celles d’un singe ?
Le professeur fut secoué d’un rire qui, bien qu’argentin, fit l’effet du grincement d’une craie sur un tableau noir.
Vous remarquerez, continua-t-il, cette petite figure plissée, ratatinée, rugueuse, basanée, pareille à un cuir de botte. Et bien, ce spécimen a été programmé pour cent trente ans.
─ Et, plus loin, la femme au foulard, en haut de cette espèce de tour de Babel ?
─ C’est décidé, elle vivra centenaire.
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1 commentaire:
On rit bien mais qui sait....
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