mercredi, février 17, 2021

Le réveil

 

Lorsque Charlie se réveilla, il se trouvait dans une chambre dont la lumière était si intense qu’il en ressentit une vive douleur et referma immédiatement les yeux.


Après plusieurs tentatives, il parvint à observer son entourage au travers de fentes palpébrales qu’il s’efforçait de rendre les plus discrètes possibles. C’était un va et vient d’ombres chinoises qui semblaient flotter dans l’air et ne s’occuper que de sa personne. Il ne reconnaissait ni même ne distinguait aucun visage dans cette lumière éblouissante.


Se trouvait-il au paradis ? Il n’avait mal nulle part, ne ressentait aucune douleur, et même se trouvait dans un état cotonneux de bien-être qui lui rappela ce qu’il avait lu ou entendu dire sur les expériences de mort imminente, le tunnel de lumière, etc. Peut-être était-il en train de vivre la même chose. Si les personnes qui l’entouraient étaient des anges, celles-ci n’avaient pas d’ailes dans le dos.


L’une d’elles se pencha au dessus de lui pour le saluer et s’informer d’une voix douce et métallique si tout allait bien.


Tout allait bien. À condition de savoir ce qu’il faisait là !


Vous êtes en phase terminale de décryogénisation, Monsieur Martin, lui répondit une autre personne à gauche du lit, sur le même ton que la première. Cela fait exactement quatre cent vingt-deux années et trente quatre jours que vous avez été immergé dans de l’azote liquide à moins 196°C et vitrifié. Voilà dix jours que le processus inverse a été engagé au cours duquel nous avons substitué un DXP816 à votre pancréas défectueux. Tout va très bien, Monsieur Martin.


Ses fonctions mémorielles semblaient revenues car il se souvint avoir décidé de se faire congeler à la suite d’un cancer, au début des années 2000. L’homme était vraiment une machine merveilleuse pour se souvenir de faits datant de plusieurs siècles. Cela lui avait coûté la modique somme de cent cinquante mille dollars de l’époque, mais il allait enfin pouvoir toucher les intérêts en nature de son investissement. Son pari sur l’avenir avait fonctionné. 


Un détail l’intriguait cependant. Tous les membres du personnel soignant se ressemblaient et avaient une voix bizarre. 


Puis-je connaître votre prénom ? questionna Charlie à l’infirmière qui lui apportait un  breuvage. Appelez-moi Six cent quatre répondit-elle. Dans cette unité, nous nous appelons tous Six cent quatre.


Vous n’avez donc pas de nom ? demanda Charlie avec stupéfaction. Vous ne seriez qu’un numéro ? 


Mais Monsieur Martin, s’étonna Six cent quatre, nous ne sommes que des androïdes conditionnés pour le travail et spécialisés, dans cette unité, en décryogénisation. Le temps de la race humaine est révolu depuis longtemps. Les humains étaient tous devenus hydroalcooliques. Les seuls spécimens qui subsistent sur cette planète sont, comme vous , décryogénisés, et servent de cobayes pour nos expériences. 


À bientôt, Monsieur Martin.


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