Je vous raconte cette histoire le 11 septembre, non pas parce qu’il s’agit d’une journée de triste mémoire, mais parce que c’est aujourd’hui sa fête. Il s’appelait Adelphe.
Sa vie ne fut qu’un long chemin de contrariétés et de moqueries car lorsqu’on s’appelle Ytlor, on ne prénomme pas son enfant Adelphe.
Vous ne serez pas étonné si j’ajoute qu’Adelphe Ytlor avait le capital séduction de Quasimodo et qu’il était fourbe et méchant.
Il tenait un bazar appelé « La lanterne rouge », un véritable capharnaüm, une caverne d’Ali Baba, un antre aux relents surannés auxquels se mêlaient des odeurs de transpiration, de crasse et d’humidité miasmatique.
Il ne conservait une certaine clientèle que par la certitude que celle-ci avait de trouver à La lanterne rouge, et nulle part ailleurs, ce qu’elle cherchait.
Philtres, onguents, mixtures, poudres et autres viagra et semences du diable lui laissaient une confortable marge bénéficiaire gardée par une sorte de progéniture de la bête du Gévaudan.
Il accueillait son client avec obséquiosité, le faisait asseoir sur un tabouret défoncé qu’il débarrassait prestement des objets qui l’encombraient et écoutait la commande spéciale avec recueillement, enfouissant sa face vérolée dans ses mains crasseuses aux ongles noirs et crochus.
Lorsque le client avait avoué ses plus intimes envies, il disparaissait dans une arrière boutique plus sombre que l’enfer où se réalisaient par on ne sait quelle magie ni avec la complicité de quelles démoniaques sorcières, les élixirs et les bouillons les plus illusoires qui soient.
Il résistait ainsi à une concurrence effrénée utilisant les dernières évolutions technologiques. Des officines lourdement informatisées qui harcelaient quotidiennement l’internaute à grands renforts de pourriels, diffusant des catalogues virtuels autour de la planète et pratiquant une vente à distance plus ou moins sécurisée.
Lorsqu’on proposait au vieillard un tel équipement, il partait d’un effroyable rire qui faisait tomber le plâtre du plafond et réveillait les vipères emprisonnées dans ses bocaux de formol.
Au grand soir de la cyber-catastrophe, lorsque les virus destructeurs eurent raison des réseaux informatiques, que tous les fichiers furent irrémédiablement détruits et que les écrans s’éteignirent définitivement, il ne resta plus sur le marché que La lanterne rouge.
Le rire d’Adelphe résonne encore dans nos mémoires.
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1 commentaire:
Il me semble l'entendre au loin.
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